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Chez Plouf
2 février 2024

Retour à Birkenau, de Ginette Kolinka

lu 2024 02_ginette kolinka_retour a birkenau

Ginette Kolinka a été arrêtée par la Gestapo en 1944, puis déportée à Birkenau après des détours par Drancy, etc., avec son jeune frère, son père et son neveu. Elle avait elle-même 19 ans. L'expérience a été violente, évidemment. Les coups, les maladies, le froid, la faim, les règles sociales à part, le manque d'intimité, la privation d'humanité. Puis, quand les nazis ont senti approcher la fin de la guerre, les transferts épuisants et mortifères d'un camp à l'autre.  Elle survivra, et à son retour, sa mère et ses soeurs seront là, et elle reprendra sa vie, pas comme avant, mais sa vie à elle, heureuse, dit-elle.

Ce récit de déportation relate, bien entendu, le même enfer que tous les récits de ce type. La particularité de celui-ci réside dans sa concision saisissante et le ton employé. Jamais aucun pathos, un récit somme tout assez factuel, des souvenirs, des oublis sincèrement assumés. Mais cependant une façon particulière de souligner certaines réalités, comme, vers la fin, le temps de mise à mort en chambre à gaz, lorsqu'elle témoigne auprès d'enfants, dans sa vieillesse. Et puis cette façon de "glisser" sur l'horreur, de la survoler en quelques mots, avec seulement quelques détails factuels épars, laisse une place considérable à l'imagination, ce qui permet aussi d'universaliser son récit. Et c'est bien une démarche juste, puisque c'est tout un peuple qui a été attaqué et martyrisé.

La deuxième partie est consacrée à son retour, sa vie d'après. Pendant longtemps, elle n'a rien dit, elle a vécu sa vie, s'est mariée. Et puis un jour, elle a été contactée pour témoigner. Elle était déjà retraitée. D'abord réticente, elle cède aux insistances, se replonge dans cette période, retourne sur les lieux qu'elle ne reconnaît pas. Depuis, elle témoigne tant qu'elle peut, encore et encore.

Globalement , le texte est très court et très fluide, ce qui permet de le lire assez rapidement. Et par cette brièveté, il saisit le coeur et l'esprit comme le gel, brusquement. Et puis, on sait que l'histoire finit bien, puisqu'elle raconte, qu'elle est physiquement avenante, souriante, alors on ne se méfie pas de la manière dont son bref récit va soudain comme nous statufier, nous figer dans une espèce de stupéfaction.

Un témoignage fort, puissant, intéressant.

 

***

Quelques extraits...

 

"Papa, Gilbert, prenez le camion !"
C'est toujours ça qu'ils n'auront pas à faire à pied.
Je ne les embrasse pas. Ils disparaissent.
Ils disparaissent.

 

Au Colisée, nous parlons de tout, sauf de déportation. Maintenant, c'est le contraire, même quand on ne veut pas, on ne parle que de ça.

 

Comment voulez-vous voir la fumée, les cris, les bousculades ? Ces dizaines de milliers de gens qui travaillent, qui courent, qui tombent ? Plus rien de tout ça. Les allées sont bien propres, bien nettes, ils ont mis des gravillons, un tapis en caoutchouc, pour que personne ne soit dans la boue. De toute façon, il n'y a plus de boue. Et pas âme qui vive, à part des petits groupes d'élèves qui passent de loin en loin; Les baraques ont été retapées, quand vous entrez, c'est impeccable, ils n'ont pas même pensé à glisser une fausse silhouette dans les coya.

Je ne ressens rien.

[...]

Birkenau, maintenant, c'est un décor.

 

***

Retour à Birkenau, Ginette Kolinka, 2019, 112 pages

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