Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Chez Plouf
25 février 2023

Chien 51, de Laurent Gaudé

lu 2023 02_laurent gaude_chien 51

L'histoire : quand la Grèce a été rachetée par GoldTex, ça a mal tourné : émeutes, révoltes, tentatives d'exode, massacres. C'est de là que vient Zem Sparak, c'est de là qu'il a réussi à s'extraire, pour survivre. Maintenant, il est "chien" dans la police en zone 2, et vit en zone 3, là où vivent les pauvres, les démunis, les paumés et j'en passe, les sous-citoyens pour résumer. Ce matin-là, il vient chercher un cadavre de plus. Mais avec celui-là, quelque chose se passe d'étrange, il passe comme un pacte avec le mort, et cette fois il se jure de trouver la solution de ce meurtre. Rapidement, il se retrouve verrouillé sur cette affaire avec une flic de zone 2...

 

Mon avis : l'écriture de Laurent Gaudé est toujours un ravissement à retrouver ! A mes yeux, c'est vraiment LE grand écrivain français actuel, peut-être avec Franck Bouysse. Bref. Nous retrouvons donc cette fois, sous sa plume implacable, une dystopie singulière, à laquelle vient se mêler une énigme policière. Comme toujours, l'auteur dit comme personne le déracinement, l'exil, la nostalgie insupportable, l'errance, la misère. Les personnages sont un peu des archétypes, mais ça ne gêne pas du tout, bien au contraire, car nous devons aussi comprendre, à mesure qu'on avance, dans quel monde évolue l'histoire. Un monde pas si différent du nôtre, dans le fond, à peine plus poussé dans ses défauts déjà existants, avec ses petites hypocrisies de langage, ses hiérarchies, ses injustices, ses absurdités, on s'en rend vite compte. Tout ça a quelque chose de familier. Et l'histoire policière, alors ? Un corps découvert en zone 3, mais qui oblige rapidement à remonter dans les hautes sphères, en zone 1 (carrément !). Puis un deuxième corps... Et au milieu de tout ça, une jeune enquêtrice en deuil de son mentor et qui doit faire ses preuves, un "chien" Sparak qui se noie de plus en plus dans sa nostalgie de la Grèce, se laisse aller mais n'oublie pas son humanité. Sacré mélange !! Où cela peut-il bien mener ?

Un très beau livre, très puissant, j'ai beaucoup aimé. 

 

***

La plupart de ceux qui meurent auraient pu être assassins. Chaque jour, ils se croisent, se jaugent et s'affrontent. Qu'est-ce que cela change ? Chaque jour, ils projettent de se voler, de se tuer. Tant d'autres sont déjà en train de faire des plans pour des crimes à venir. Il sait qu'il n'ira jamais aussi vite que tout ce qui se fomente dans la rue à chaque instant.

 

Tout un peuple avançait, pas à pas, répondait aux questions mille fois posées, répétait patiemment si le recruteur le demandait, attendait de recevoir un tampon, espérait qu'il s'agisse du bon, rêvait à la vie après en essayant d ene plus penser à ce pays qu'il quittait et qui, déjà, n'exitait plus que dans sa mémoire. Tout un peuple hésitait, gauche, intimidé, espérait trouver sa place pour que la vie puisse continuer. Il acceptait le longue sélection administrative au nom de l'avenir des enfants à qui il fallait pouvoir offrir une vie, et tant pis pour l'humiliation de celui qui doit attendre, obéir, répondre aux questions, sourire pour tenter d'amadouer des visages impassibles, tant pis pour la longueur de ces heures qui étaient comme des tortures, où le rythme de ce grand corps administratif imposait à tous sa volonté lente, méticuleuse, tant pis pour la joie qu'on laissait derrière soi en essayant de se convaincre que vivre sans n'était finalement pas si grave à condition d'y gagner en confort, tant pis, on avançait vaille que vaille, d'un pas obéissant, vers ces terres lointaines qui ne voulaient rien révéler de ce qu'elles vous destinaient. 

 

***

Chien 51, Laurent Gaudé, 2022, 295 pages

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Newsletter

zz_258

Derniers commentaires
Publicité