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Chez Plouf
23 janvier 2016

De l'Amour en Autistan, de Josef Schovanec

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L'histoire : plusieurs histoires enchevêtrées, avec des personnages récurrents, sur les formes de l'amour...

 

Mon avis : Josef Schovanec s'essaie ici au roman, et il vise directement très haut, avec plusieurs narrateurs, un style très travaillé (un peu trop ? il est parfois bien lourd...), et le parti pris d'un décalage sémantique sur ce qu'on appelle habituellement "amour", en particulier dans le cadre romanesque.

J'aime le message qu'il cherche à faire passer dans ce roman : l'amour est partout dans la vie, pas seulement dans les relations filiales-amicales-amoureuses.

Pourtant, j'ai eu plus de mal avec la forme qui ne m'a pas emportée. Pour tout dire, j'ai même plusieurs fois eu un peu de mal à avancer dans le livre. Trop de mots savants qui plombent le style, trop de circonvolutions à mes yeux inutiles à l'histoire, et, plus étonnant pour moi, beaucoup trop de tournures poétiques et de non-dits, je pense que je n'ai pas compris tous les sous-entendus ni toutes les formules, du coup ça m'a souvent demandé un gros effort de "traduction" qui m'a un brin gâché le plaisir. Bref : trop abscons pour moi.

 

Pour ce qui est du côté autisme (du moins celui dit "de haut niveau"), j'avais peu à apprendre sur le mode de fonctionnement (entre la pratique quotidienne personnelle et parentale et mes lectures depuis 10 ans, ça n'est pas forcément de la prétention de croire que je suis un peu au courant), et en effet pas de surprise de ce côté pour moi, mais en même temps, l'idée même ne m'avait pas effleurée en entamant cet ouvrage. Pourtant, comme chaque protagoniste pense de manière très typiquement autistique et que c'est présenté au fil du récit, il est probable que nombre de lecteurs y apprendront des modes de raisonnements qui pourraient les étonner (mais seront-ce les lecteurs qui iront vers ce livre ?)

Bref dans l'ensemble j'ai moyennement apprécié, c'est dommage, car j'aime énormément ce qu'on connaît du personnage public de Josef Schovanec, ses partis pris, ses propos, son phrasé, j'avais totalement adoré Je suis à l'est, et j'aimais bien le parti pris de départ de ce livre et la forme choisie. Bon, voilà.

 

***

Feuilletons ensemble quelques extraits (dans la deuxième moitié, j'ai complètement oublié d'en noter au début !)...

 

A vrai dire, c'est seulement en partageant avec les autres que l'on apprend pleinement.

 

Peu à peu, des liens s'établissaient entre inflexions de voix, couleurs, textures, rides de peau ou de tissus, l'une renvoyant à l'autre dans un mécanisme qu'un psychiatre appelé par des personnes qui prétendaient être des amis avant de m'arnaquer du peu que j'avais avait qualifié de mécanisme hystérique et hallucinatoire, alors que des livres que j'avais pu découvrir ultérieurement l'appelaient du nom de synesthésie. Je n'en sais rien. Pour moi, peu importe le nom, synesthésie, précocité intellectuelle, ou d'autres encore ; je préfère ne parler que de sensibilité. Qu'importent les labels s'ils n'ont ni effets, ni dynamique, ni vie ?

Ainsi, l'autre jour, et c'était un jour orangé sébré de magenta, un jour fort violent donc, à la limite du supportable par l'excès de stimulation qu'il induit, je lisais une fois de plus mes robes au musée, songeant déjà aux matériaux que je collectais mentalement pour l'avenir, quand j'entendis un bruit de pas. Un de ces instants que d'ordinaire je déteste, car ils font choir en un instant les édifices les plus raffinés. Heureusement que j'en sens les vibrations de loin, et peux donc le plus souvent me mettre à l'abri avant la survenue du danger bipède.

 

Ma mère, quant à elle, multipliait les paroles obscures, comme si elle n'osait me dire quelque chose de fondamental, sur le mariage et la nécessité de faire des choix étant donné mon âge. Je coupais systématiquement court à ces échanges, refusant une pareille absurdité : en effet, comment pouvais-je sereinement envisager le mariage, alors que ce rituel absurde impose de porter durant des heures une tenue complexe qui rend par exemple impossible le fait d'aller aux toilettes ? D'autre part, me marier m'exposerait à des risques nouveaux : je me souvins que ma mère elle-même m'avait dit à plusieurs reprises : "Tu ne peux pas avoir d'enfants tant que tu n'es pas mariée." Etre mariée m'exposerait donc, en toute logique, à cette problématique, tandis que ne pas l'être, quoi qu'il arrive par ailleurs, m'en préserve.

 

De mon temps, j'ai beaucoup aimé tout court. [...] Manque de chance ou signe du destin, cela a toujours mené à l'échec. Sauf précisément lorsque j'avais aimé autre chose que mon reflet plus ou moins direct. La vie nous administre de bien curieuses leçons, que parfois nous ne comprenons qu'une fois parvenus au terme de notre bref passage ici-bas. 

 

***

De l'Amour en Autistan, Josef Schovanec, novembre 2015, 222 pages

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