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Chez Plouf
24 janvier 2017

Les Brutes en blanc, de Martin Winckler

martin winckler_les brutes en blanc_lu 2017 01

 

Le sujet : la maltraitance et le mépris envers leurs patients sont des comportements habituels de nombreux médecins en France. Partant de ce constat, Martin Winckler, médecin généraliste en France jusqu'en 2008, aujourd'hui enseignant au Canada, après avoir décrit précisément sa vision du métier de soignant, essaye dans un deuxième temps d'expliquer les signes de la maltraitance, dans un troisième temps d'en comprendre l'origine, et dans un quatrième temps de donner des pistes pour savoir y réagir et ne plus subir. 

 

Mon avis : au départ, je ne voulais pas lire ce livre, parce que le sujet m'est douloureux tant j'ai beaucoup trop à mon goût fréquenté le mépris et la maltraitance du milieu médical. Aucune envie d'aller encore remuer le couteau dans la plaie... Et puis deux amies (bisous Selma et Ganaëlle ♥ ) m'ont convaincue que je me trompais en préjugeant ce livre, et elles ont sacrément eu raison !!

 

Alors oui, c'est vrai, il y a des passages un brin énervants, rien que le début, où il décrit sa vision du métier, et où parfois on se dit "wesh, c'est où ce pays idéal ?"... et puis on réalise que des comme ça, même minoritaires, on en a quand même croisé quelques uns. D'ailleurs on pourrait donner les noms tellement ils étaient peu nombreux ! Et pourtant oui, ça devrait être la norme, ce respect...

Enervant aussi parce qu'il y a des choses difficiles qu'on a vécues et qu'on n'a pas envie de revivre en pensée. Et même si on ne les a pas vécues, elles sont en soi enrageantes, parce qu'il n'est pas acceptable d'abuser de son autorité pour se comporter si mal humainement parlant, surtout vis-à-vis de quelqu'un diminué par la souffrance. Mais le tout est toujours raconté avec ce ton particulièrement bienveillant et respectueux, sans énervement contagieux, de Martin Winckler, et ça change tout ! Enfin un médecin qui reconnaît le problème et ne le nie pas ! Qui se range du côté des patients sans équivoque, et sans que ça soit une pose hypocrite (parce que je peux donner des noms, hein, de quelques uns qui le clament haut et fort mais n'en donnent pas un seul signe concret, et pas plus loin qu'à quelques kilomètres de chez moi ! comme beaucoup d'entre nous...), qui ne mâche pas ses mots et n'arrondit pas les angles pour ménager la susceptibilité de "ceux qui sâââvent". Et qui le fait sans placer les patients en victimes, sans pleurnicherie, sans rage, humainement, avec sagesse.

 

Dans un troisième temps, les explications qu'il avance sont probablement justes, et surtout (c'est important si vous hésitez à lire ce livre) : les explications à ces comportements ne sont jamais présentées par Martin Winckler comme excuse valable ou, pire, commeune circonstance atténuante, jamais. Pas de loyauté de confrérie avant l'intérêt du patient ici, jamais. Les explications sont ce qu'elles sont : des explications de l'origine probable de ces comportements de mépris et de maltraitance, des explications sur la façon dont les médecins sont formés, dont se comportent leurs professeurs (béh si vous avez déjà eu à faire avec un professeur de CHU, y'a des chances que vous vous doutiez de quoi on cause ! lol), dont on leur apprend leur métier, dont on les brise parfois, descriptif, ni plus ni moins.

 

Dans un dernier temps, il va nous donner des clés pour reconnaître sans douter (parce que le doute est aussi le grand ennemi des victimes, dans tous les domaines) les actes de maltraitance, les actes qui sortent du code de déontologie ou de la loi, ce qui n'est pas admissible. Et nous proposer des attitudes vis-à-vis de ces comportements, pour ne plus se laisser faire ni rester passifs, sans pour autant tomber dans la victimisation larmoyante, l'indignité ou produire à notre tour des comportements incorrects, parce que changer les choses passera avant tout par les patients, et qu'individuellement,il nous appartient aussi de savoir nous défendre correctement.

Avec tout un tas de liens internet vers des organismes divers et variés, de la liste gynandco des gynécos non-dsicriminants jusqu'à la façon la plus efficace de porter plainte. 

 

Vraiment un livre que je recommande, quelle que soit notre situation personnelle, et que je recommande tout particulièrement aux femmes et aux jeunes filles, premières victimes de ce système très misogyne. Bouquin intéressant, instructif, dans lequel presque à chaque page,j'ai eu envie de faire des bonds et de dire MERCI MONSIEUR, votre reconnaissance fait un bien fou !! Ce livre m'a donné de l'énergie pour décider de changer de médecin traitant, d'une part (ce que je souhaitais faire depuis très longtemps vu ses manquements graves et répétés, sans en trouver l'énergie jusqu'à maintenant, vu que c'est ça ou 25 minutes de voiture...), et m'a redonner des forces morales pour mener le combat médical et judiciaire un peu lourd qui s'annonce devant moi et qui risque d'être épineux avec le corps médical, puisqu'il l'est déjà.

 

Et pour finir, je dirais que la note la  plus amère pour moi, à titre 100% personnel, après avoir lu ce livre, c'est de ne pas être éligible à l'émigration vers le Canada (on s'était déjà renseignés pour d'autres raisons)... =T_T=

 

***

Feuilletons quelques extraits...

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p.84 : Les médecins qui cachent aux pateitns des informations qui les concernent violent le Code de déontologie, purement et simplement. C'est un comportement paternaliste qui entrave gravement la liberté des patients de décider en connaissance de cause.

 

p.96 : Pour les patients qui n'ont jamais affaire à eux, il pourrait sembler que les psychanalystes n'ont pas beaucoup d'importance en médecine. Or, c'est tout le contraire.

En effet, l'omniprésence de la psychanalyse dans la pensée médicale française a compromis gravement le développement - et surtout la vulgarisation et la diffusion - des psychologies fondées sur une approche scientifique - thérapies comportementales et cognitives, psychologie évolutionniste.

 

p.137 : - Parce que ne pas vous croire, c'est humiliant. Je préfère toujours croire ce que les gens me disent. Je trouve moins grave de me tromper que de courir le risque d'humilier quelqu'un qui me fait confiance.

 

p.163 : Surotut quand on sait que les politiques vaccinales varient beaucoup d'un pays européen à l'autre. Au Royaume-Uni, aucun vaccin n'est imposé par la loi, pas même pour l'entrée à l'école. On y préfère discuter avec les parents de leurs avantages et inconvénients. Et on ne fait pression sur personne.
Sur ce point encore, beaucoup de médecins français n'agissent pas en conseillers ou en défenseurs des patients, mais plutôt en courroie de transmission des industriels.

 

p.232 : Car la Révolution française n'a que temporairement changé le rapport à l'autorité et au savoir :en créant une élite intellectuelle à travers les grandes écoles, Napoléon a remplacé la noblesse de sang et la noblesse de robe par une noblesse de diplômes.

Dans les pays anglo-saxons, la valeur d'un savant (et en particulier d'un médecin) se mesure à ses actes, à ses accomplissements, au déroulé de son expérience. En France, depuis Napoléon, elle se mesure à ses titres universitaires. Et ceux qui ne font pas partie de cette "noblesse" n'ont pas voix au chapitre. Savez-vous pourquoi Louis Pasteur dut expérimenter lui-même son vaccin contre la rage pour qu'on reconnaisse l'importance de ses travaux ? Parce qu'il avait le grand tort de ne pas être docteur en médecine.

Aujourd'hui, même si la France se félicite d'être un république laïque, ce mode de pensée vertical et autoritaire (le maître est vertueux, sa parole est incontestable) hérité de l'Eglise catholique est encore bien vivant dans la hiérarchie, l'élitisme et les pratiques quasi lithurgiques du monde médical français.

 

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p.284 : Le patient qui ne se conforme pas à ce qu'on lui a prescrit se met toujours en danger ; en outre, il ébranle, par son "inconscience" et son refus de se soigner, la "vérité" médicale. Par conséquent, le médecin qui ne cherche pas à le "ramener dans le droit chemin" est complaisant, ou faible, ou dénué d'autorité ; c'est un traitre à sa profession, à ses maîtres, à sa mission, à son serment. Pas moins.

Cette conception du métier de médecin fondée sur la peur et sur la soumission, les étudiants la subissent quotidiennement. Ce n'est pas un apprentissage du soin, mais l'opposé : un apprentissage du pouvoir. 

 

p.316 : En France, on meurt deux fois plus souvent par la faute d'une prescription que d'un accident de voiture, et ni les autorités sanitaires, ni l'Ordre, ni les principaux syndicats, ni les enseignants ne semblent s'en soucier. Et, naturellement, personne n'en parle...

Ajoutons qu'aux Pays-Bas, la moitié des patients sortent de chez leur médecin sans médicaments, tandis qu'en France neuf patients sur dix partent avec une prescription. Conclusion : non seulement la majorité des médecins français ne savent pas se retenir de prescrire des comprimés, non seulement ils ne s'interrogent pas sur la nature de ce qu'ils prescrivent, mais, en outre, ils se foutent complètement des dangers qu'ils peuvent provoquer.

L'argument selon lequel "les patients exigent des médicaments, et si on ne leur en prescrit pas, ils vont voir ailleurs" n'est pas recevable. Il laisse entendre que la majorité des patients n'ont qu'une idée en tête : se droguer, et que les praticiens - qui n'hésitent pas, nous l'avons vu, à leur imposer leur point de vue sur tout et n'importe quoi - sont incapables de leur résister... ou de leur expliquer que ce n'est pas nécessaire.

 

***

Les Brutes en blanc, Martin Winckler, 2016, 358 pages

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