Le Chapeau de Mitterrand, d'Antoine Laurain

L'histoire : 1986, dans une brasserie haut de gamme, Daniel profite de l'absence de sa femme et son fils pour s'offrir un plateau de fruits de mer. A la table voisine arrivent des hommes venus dîner... François Mitterrand, Roland Dumas et un autre homme ! La proximité du chef de l'Etat perturbe émotionnellement Daniel. Quand les convives repartent, Mitterrand oublie son chapeau... Et Daniel le prend ! Ce chapeau va lui donner une confiance en lui qu'il ne connaissait pas, ce qui va lui permettre de progresser professionnellement. Mais il va perdre le chapeau, que ramassera Fanny, et le chapeau changera sa vie, radicalement... et ainsi de suite. Quel est vraiment ce chapeau ? A-t-il des pouvoirs ?

Mon avis : un roman très original malgré une forme plutôt classique. Une plongée réjouissante et légère dans les années 80, une histoire douce à laquelle on a envie d'adhérer comme on adhère à la magie de Noël. Les destins des gens ordinaires, bouleversés par le chapeau (dont ils ignorent l'origine, sauf Daniel), sont enthousiasmants, on jubile avec eux, on applaudit aux changements, même quand les personnages ne sont pas forcément sympathiques. Vraiment un moment de lecture particulier, d'une grande tendresse, où règne un amusement constant, savoureux et serein.

J'ai beaucoup aimé : le revival léger de 1986, l'hypothèse farfelue de la trame de l'intrigue, l'écriture passe-partout en apparence mais finement choisie, les diverses façons dont le chapeau passe de main en main, le personnage de Fanny Marquant, la longueur idéale et l'humilité du roman, le mélange imprécis de la fiction et de personnages réels, l'absence totale de parti pris politique ou culturel, la douce bienveillance de la narration, et... la photo de l'auteur au dos de l'ouvrage !

***

Feuilletons ensemble quelques extraits (bien peu, vu que j'ai surtout été emportée par l'histoire, et oublié de noter)...

incipit : Daniel Mercier monta les escaliers de la gare Saint-Lazare à rebours de la foule.

page 13 : Comment faisait-on lorsqu'il n'y avait pas de répondeur ? s'était demandé Daniel. Le téléphone sonnait dans le vide, il n'y avait personne, on rappelait plus tard. C'était tout.

page 28 : Ce dîner était vraiment irréel - et tout cela tenait à si peu de chose : s'il avait choisi de rentrer chez lui et de se faire à manger, s'il avait opté pour une autre brasserie, si le maître d'hôtel n'avait pas eu de table libre, si le client de la table en question ne s'était pas décommandé... Les événements importants de nos vies sont toujours le résultat d'un enchaînement de détails infimes. Cette pensée lui causa un léger vertige, il ne sut s'il devait l'attribuer à la puissance de sa réflexion ou aux 75 cl de pouilly-fuissé.

page 135 : On mange mal, en ville, particulièrement chez les nobles. Si l'argenterie et la porcelaine armoriées sont de sortie, cette caste pourtant si élevée éprouve en général une joie perverse à servir dans ses assiettes des repas que le cordonnier ou la concierge refuseraient. On ne mange bien que dans le peuple, avait coutume de dire Bernard, qui n'avait pas mangé avec le peuple depuis plusieurs décennies, mais gardait des souvenirs d'enfance émus de la cuisine préparée par la gardienne de la grande propriété familiale de Beaune.

***

j'ai appris le mot cauteleux (p.159)

Petites erreurs : manque un mot pages 88 et 142 ; un mot en trop p.142 ; une virgule impromptue p.194. Edit : j'ai lu la 5ème édition, appremment ça a été corrigé dans les éditions suivantes. Cool =^.^=

***

Le Chapeau de Mitterrand, Antoine Laurain, 2012, 212 pages

Comments

[pyrouette]

Je n'étais pas attirée par ce livre, mais ton avis me donne envie de le lire. Et puis j'ai le blues des années 80 de mon adolescence, alors...Merci !

[zazimuth]

ça semble sympathique !

[Madalaine]

Ah ça parait drôle , merci !! Je le prendrais à la biblio !!(enfin s'ils l'ont ....)

[Pahi]

Il me paraît bien sympa, ce livre :)

Gros bisous et bon après-midi.