L'Attentat, de Yasmina Khadra
Le Dr Amine Jaafari, Arabe naturalisé Israélien, est un chirurgien réputé à Tel-Aviv. Il est plutôt bien intégré, lui semble-t-il... Jusqu'au jour où sa femme meurt. Dans un attentat. Elle a déclenché les explosifs qu'elle portait à la ceinture dans un fast-food bondé d'enfants. Kamikaze. Le docteur Amine ne peut pas y croire, en aucune façon. Pourtant, il se rendra à l'évidence avec l'arrivée d'une lettre de sa femme. Commence alors un parcours périlleux hors des beaux quartiers pour savoir et comprendre...
Remarquablement bien construit et rédigé avec une précision de gourmet de la langue, ce livre est à la fois un roman et un mini-essai de philosophie politique à portée de tous. Le point de vue de chaque camp y est exposé avec simplicité et humanité, l'ambiance des villes assiégées presque palpable, le fatalisme en passe de devenir culturel extrêmement sensible. Une peinture magnifique de la façon dont le sentiment d'injustice devient automatisme de haine au lieu de révolte. Ce livre est le choc frontal de deux mondes et deux visions du monde qui vivent côte à côte, voire imbriqués, mais sont inconciliables.
On retrouve bien entendu les codes sociaux et les rapports humains culturels typiquement arabes, et le tour de force est d'avoir su poser un pont magistral pour nous la rendre accessible sans effort à notre pensée occidentale.
Le roman en lui-même souffre cependant de quelques petites longueurs, ai-je trouvé... Rien qui gâche la lecture non plus.
Quelques extraits...
<< On croit savoir. alors on baisse la garde et on fait comme si tout est au mieux. Avec le temps, on finit par ne plus prêter attention aux choses comme il se doit. On est confiant. Que peut-on exiger de plus ? La vie nous sourit, la chance aussi. On aime et on est aimé. On a les moyens de ses rêves. Tout baigne, tout nous bénit... Puis, sans crier gare, le ciel nous tombe dessus. Une fois les quatre fers en l'air, nous nous apercevons que la vie, toute la vie - avec ses hauts et ses bas, ses peines et ses joies, ses promesses et ses choux blancs - ne tient qu'à un fil aussi inconsistant et imperceptible que celui d'une toile d'araignée. D'un coup, le moindre bruit nous effraie, et on n'a plus envie de croire en quoi que ce soit. Tout ce qqu'on veut, c'est fermer les yeux et ne plus penser à rien. >> p.71
<< Tous les drames sont possibles lorsqu'un amour-propre est bafoué. Surtout quand on s'aperçoit qu'on n'a pas les moyens de sa dignité, qu'on est impuissant. Je crois que la meilleure école de la haine se situe à cet endroit précis. On apprend véritablement à haïr à partir de l'instant où l'ont prend conscience de son impuissance. C'est un moment tragique ; le plus atroce et le plus abominable de tous.>> p.206
<< Mais comment accepter d'être aveugle pour être heureux, comment tourner le dos à soi-même sans faire face à sa propre négation ?>> p.214