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Chez Plouf
21 septembre 2018

Mémé Santerre, une vie, de Serge Grafteaux

lu 2018 09_serge grafteaux_meme santerre une vie

L'histoire : la vie de Marie-Catherine Gardez épouse Santerre, née en 1891 dans un coron. Famille pauvre, vie de peu, travail harrassant dès l'enfance (au coron l'hiver, en Normandie l'été), elle a traversé deux guerres, le Front Populaire, s'est mariée par amour, a eu un enfant, a changé de métier, de région, etc. Et dans la première moitié des années 1970, elle croise le chemin de Serge Grafteaux, à qui elle raconte sa vie, et il la met par écrit pour donner ce livre poignant. 

 

Mon avis : un témoignage précieux. Marie-Catherine naît à une époque dont on peine aujourd'hui à imaginer le quotidien, même si cette époque n'est pas si éloignée de nous que ça (mon arrière-grand-mère, que j'ai connue jusqu'à mon adolescence, était de cette génération, donc ça me parle !). Pas d'électricité, pas d'eau courante, pas de congés payés, pas de temps de travail raisonnable, pas de sécurité sociale quelle qu'elle soit, une majorité de gens qui travaillent très dur dès l'enfance pour des salaires misérables qui leur paient à peine de quoi manger, souvent on a faim, on a froid, les conditions de vie sont dures, très dures. Et pourtant, on ne se plaignait pas, Marie-Catherine le répète beaucoup, "on ne se plaignait pas", on était heureux, il y avait plus malheureux que nous, "nous étions contents de retrouver le grand air", etc. Même ce raisonnement pourrait être aujourd'hui presque difficile à accepter, tant les progrès de qualité de vie depuis nous semblent justes et "normaux", et tant on peine à accepter qu'on puisse se contenter avec sérénité de si peu et se résigner à tant d'injustice. Du coup, c'est une sacrée leçon, un rappel à l'ordre intéressant, même si évidemment, il reste discutable de le voir comme tel, parce que c'est avant tout un témoignage, surtout pas un jugement. Et puis bien sûr, on s'attache à ce personnage ordinaire, à cette femme courageuse et opiniâtre, qui n'est ni une héroïne, ni une passionnaria, qui traverse l'histoire, ou plutôt dont l'histoire traverse la vie, presque sans le faire exprès, pour y laisser des marques. Sa vie va la malmener, être vraiment rude, puis s'améliorer et être bouleversée par les progrès techniques et sociaux, elle le constate sans forcément le glorifier, parce qu'elle connaît aussi le revers de tout ça.

Bref, un témoignage sur un changement de monde, vu du côté des plus démunis, et du coup aussi un regard sur l'histoire différent de ce qu'on a l'habitude de lire, et ça fait du bien. Ici, les grandes histoires politiques qu'on nous narre habituellement, les coulisses des guerres et autres violences, n'existent quasi pas, elles ne sont qu'un arrière-plan dont on ne parle que des conséquences sur la vie quotidienne. Car l'essentiel de la vie est ailleurs. 

Un livre passionnant, j'ai vraiment beaucoup aimé !

 

***

Feuilletons...

extrait santerre 1

extrait santerre 2

 

 

p.64 : - Bénissez, Seigneur, ce repas que nous allons manger ici... Grâces à vous, mon Dieu ! Nous vous demandons aujourd'hui de rendre Marie-Catherine et Auguste heureux et bons époux. Amen.

Dieu l'a entendu, mon père... Heureux et bons époux, nous l'avons été, sans que rien, une minute, une seconde seulement, ne soit venu jamais nous séparer, sinon la mort contre laquelle on ne peut rien et qui nous emporte tous, qu'on soit riche, qu'on soit pauvre. 

C'est finalement, je trouve, la grande justice, et c'est pour cela que je suis très croyante. Le bonheur, il appartient à tous, qu'ils couchent dans des draps de fil ou dans de la paille... Ce qui compte, c'est d'être heureux dans son coeur, dans sa tête, même si on n'a pas de livret de caisse d'épargne. Et au fond, qui que nous soyons, est-ce qu'au bout du compte, nous ne mourons pas tous ? Est-ce que nous n'allons pas tous dans la même terre ? 

Auguste disait que c'étiat ça l'égalité et il avait raison.

 

p.116 : Le conducteur, d'emblée, tutoya Auguste, ce qui ne plut guère à mon mari.

Il allait s'y habituer rapidement. Nous étions ici dans la région parisienne et les moeurs n'étaient pas les mêmes qu'en Normandie. On sentait plus de gentillesse chez les voisins, chez les collègues de travail.

 

p.152 : - Tu sais, Mémé, finalement, ce n'est pas long, une vie...

 

***

Mémé Santerre, une vie, Serge Grafteaux, 1975, 185 pages (poche)

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