L'Evangile selon Pilate, d'Eric-Emmanuel Schmitt
L'histoire : la première partie relate le point de vue de Yéchoua, qui attend les hommes qui viendront le chercher pour l'emmener à la crucifixion, il revient sur son histoire singulière ; la deuxième partie est la suite de l'histoire vue par Pilate, en particulier le mystère agaçant et résistant de la résurection ; enfin la dernière partie est composée d'extraits du journal d'Eric-Emmanuel Schmitt autour de l'écriture et des premières aventures de ce roman.
Mon avis : un point de vue très intéressant, cohérent, documenté, intelligent, construit et sensible, extrêmement moderne certes mais pourquoi pas dans le fond ? sur la vie de Yéchoua (Jésus si on traduit son nom, mais j'avoue que je n'aime pas des masses les traductions de noms propres, et j'ai beaucoup apprécié ici la conservation des noms araméens). Et si Yéchoua avait trouvé de quelle manière Dieu est en chacun de nous ? Et compris par là comment le dire, porter cette parole ?
J'ai probablement apprécié ce point de vue singulier aussi parce que ma propre croyance est proche de celle-là concernant l'existence éventuelle d'un Dieu, et que je n'ai jamais remis en cause la réalité historique des dons exceptionnels de Yéchoua.
... En fait, je n'ai pas très envie de m'étendre plus sur le sujet ici, lisez ce livre si le sujet vous intéresse, quelle que soit la manière dont il vous intéresse, c'est un vrai point de vue construit et passionnant, la lecture en est fluide, et très accessible même sans une importante culture biblique préalable.
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Feuilletons ensemble quelques extraits...
Grandir fut rapetisser. grandir fut une chute. Je n'appris la condition d'adulte que par le sblessures, les violences, les compromis et les désillusions. L'univers se désenchanta.
Même en s'appliquant, un cul-de-jatte ne sautera pas un mur.
Comme toi, Mochèh, devant le mal, je souffre, cependant la souffrance n'est pas une occasion de haïr mais une occasion d'aimer.
C'est la seule chose que nous apprend la mort : qu'il est urgent d'aimer.
J'avais appliqué là un autre enseignements de mes voyages au puits sans fond : aimer l'autre au point de l'accepter jusque dans sa bêtise. Répondre à l'agression par l'agression, oeil pour oeil, dent pour dent, n'avait pour résultat que de multiplier le mal, et pis, de le légitimer. Répondre à l'agression par l'amour, c'était violenter la violence [...]
Je ne détiens aucun pouvoir, sauf celui, éventuellement, d'aider à ouvrir la porte qui, au fond de chacun, conduit à Dieu.
Mais ce n'est pas parce qu'on manque de crocs qu'on n'a plus d'appétit.
Qu'est-ce qu'une surprise ? Un évènement inattendu qui provoque en nous de la peine ou de la joie ; c'est bref, une surprise ; on s'en remet toujours, qu'elle soit bonne ou mauvaise. Mais comment appeler une surprise sans fin ? Une flèche qui vous fige dans la perplexité ?
C'est très protecteur de dire du mal de soi, surtout si l'on sait trouver les bonnes formules : elles vous habillent.
- On ne dit jamais rien parce qu'on parle tout le temps.
La seule attitude intellectuelle honnête concernant l'existence de Dieu ou du Christ consiste à dire : "Je ne sais pas." L'agnosticisme doit demeurer notre base, à tous. Lorsque l'on dit "Je crois", on ne dit pas "Je sais". Ce que je crois n'est pas ce que je sais. Lorsque l'on dit "Je ne crois pas", on ne dit pas non plus "Je sais que ça n'est pas". Dans l'ordre de la vérité, ne pas croire à quelque chose ne donne aucun mérite supplémentaire. restons humbles et mesurés. Une croyance athée ou une croyance chrétienne demeurent des croyances. Jamais une science. Et chacune mérite le respect qu'on doit adresser à toute conviction.
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L'Evangile selon Pilate, Eric-Emmanuel Schmitt, 2000, 200 pages en version numérique, 241 pages en version poche, Grand Prix des lectrices ELLE 2001