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Chez Plouf
25 juin 2010

Ni d'Eve ni d'Adam, d'Amélie Nothomb

Dlivre_2010_06_nothomb_ni_eve_ni_adamans ce livre-ci, Amélie Nothomb raconte son histoire de koi avec Rinri, un Japonais riche, charmant et très amoureux d'elle. Ils ont une vingtaine d'années (c'est l'année de son retour au Japon), Amélie écrit déjà régulièrement et cette histoire, née suite à un début de relation élève-prof de français, devrait être d'amour, mais...

Ce livre est assez atypique, je trouve, parmi ceux d'Amélie Nothomb, car il est plutôt sobre. Mais pas entièrement, et c'est là que je le trouve d'une cruauté presque sans nom. Sobre, elle l'est infiniment, sobre, subtile et pudique, quand elle parle de ce jeune homme, de ce qu'il est fondamentalement, de ce qu'elle ressent pour lui et de ce qu'il dit ressentir pour elle. Sobre jusque dans son récit de leur liaison, dont on ne saura rien qui ne respecterait pas absolument son partenaire, encore aujourd'hui, et c'est tant mieux parce que ce savoir nous serait inutile.
Mais sobre, subtile et pudique, elle ne l'est pas un instant quand elle parle du Japon, du Mont Fuji, et relate certains épisodes solitaires aux émotions particulièrement violentes. On retrouve alors sa grandiloquence, son côté outrancier et sans complexe, voire provocateur, comme on le retrouvera à la fin, quand elle fuira Rinri. C'est ce contraste qui rend le livre presque cruel, parce que l'histoire d'amour paisible qui est l'objet avoué de ce roman n'est pas son objet véritable, dans le fond, et le contraste du degré de "dévoilement" en rend la différence encore plus évidente. Surtout au milieu d'un décillement et d'une franchise volontaires des plus salvatrices, même si elle est parfois d'un peu mauvaise foi, histoire de cacher quelque petite lâcheté...

Et puis alors, globalement, quelle écriture et quelle structure du récit magistrales !! Là, je m'incline devant sa Majesté des Lettres, quelle écrivain ! Tout y est : le style, l'érudition, la simplicité, le sens de la formule, la phrase ciselée au micro-poil, le rythme, le sujet... Et il faut bien reconnaître que dans la sobriété, Amélie Nothomb excelle comme rarement, parce que cette fois, elle n'est pas derrière le paravent du "moi je suis trop pas pareille et tellement plus", et son style tout nu est une vraie merveille de fluidité mêlée d'érudition et de vivacité. Cette subtilité lui réussit particulièrement, je trouve ! Son habituel et bravache non-conformisme tellement attendu n'est pas complètement au rendez-vous, et en cela, elle est, pour le coup, réellement surprenante et non-conformiste, et c'est une vraie surprise.
Petit plus important du récit, là encore assez inhabituel : un humour terrible, j'ai plusieurs fois éclaté de rire, les scènes sont remarquablement décrites et imagées en quelques mots bien choisis avec parfois une drôlerie irrésistible. Quelle vie là-dedans ! D'ailleurs, c'est très frappant, on trouve dans ce roman un nombre incroyable de fois des mots de la famille d'exalté...

A part ça, j'ai appris plein de choses dans ce livre en plus de passer un moment de grand plaisir. Toutes ces anecdotes, ces analyses culturelles, etc., sont-elles vraies ou pas je ne sais trop, peu importe puisqu'elles sont très vivantes, et ça vaut toutes les vérités...


quelques extraits...

page 12 : L'avantage des discussions avec les étrangers est que l'on peut toujours attribuer l'expression plus ou moins consternée de l'autre à la différence culturelle.

page 32 : J'ai toujours eu le lyrisme mégalomane.

page 102, à propos d'Hiroshima : C'était comme si,ici, les êtres vivaient plus fort qu'ailleurs. Habiter une ville dont le nom signifiait, pour la planète entière, la mort avait exalté en eux la fibre vivante ; il en résultait une impression d'optimisme qui recréait l'ambiance d'une époque où l'on croyait encore en l'avenir.

page 182 : [...] je cours dans la montagne trop belle pour que je consente à y mourir.

page 187 : Les rescapés savent qu'on ne les comprendra jamais. Mon cas est encore plus grave : je suis rescapée de quelque chose de trop beau, de trop grand.

page 203 : Je ne comptais plus le nombre de filets de daurade encore frémissants que j'avais eus en bouche, pendant qu'un restaurateur ravi me regardait en disant : "C'est vivant, n'est-ce pas ? Vous sentez le goût de la vie ?" Je n'ai jamais trouvé que ce goût méritait cette pratique barbare.

page 217 : -Ne travaille plus. Epouse-moi. Ce sera la fin de tes soucis.
Il y avait de quoi être tentée. Quitter ma bourrelle et bénéficier de l'aisance matérielle, jouir du farniente à perpétuité avec pour seule condition de vivre en compagnie d'un garçon charmant, qui eût hésité ?
Moi, sans que je puisse me l'expliquer, j'attendais autre chose.

page 241 : Le 10 janvier 1991, j'étais une dame-pipi qui venait de rendre son tablier. Le 9 décembre 1996, j'étais un écrivain qui venait répondre aux questions des journalistes. A un stade pareil, ça n'était plus de l'ascension sociale, c'était du trafic d'identité.


Ni d'Eve ni d'Adam, Amélie Nothomb, Albin Michel, 2007, 245 pages

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Commentaires
Z
Je ne connais pas ce titre mais ton billet élogieux donne envie !
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I
J'ai lu pas mal de ses livres que j'ai bien aimés dans l'ensemble, tu me donnes envie d'ouvrir celui-ci ;) Bon week-end !
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N
J'adore tes critiques de livres, vraiment! Merci encore.
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C
J'ai lu plusieurs de ses livres, j'aime bien l'auteur ... mais je ne connaissais pas celui là.<br /> Merci <br /> Bises
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