Ceci n'est pas un fait divers, de Philippe Besson

L'histoire : ce jour-là, Léa, 13ans, appelle son frère, 19 ans, qui poursuit des études à Paris. Elle a du mal à parler, mais finit par dire ces quelques mots : "Papa vient de tuer maman". Une déflagration, bien sûr. Notre narrateur, alors, prend le train pour Bordeaux, rejoindre sa soeur qui a assisté au drame. Nous allons les suivre peu après les faits, puis quelques années. Comment (re)construit-on sa vie après ça ?

Mon avis : un livre superbe et puissant. Nous voici donc au coeur de l'actualité, de ce que l'actualité nomme "fait divers", avec toujours un peu de condescendance. Mais là, vu de notre narrateur, ou de Léa, ou de leur grand-père, ou même de la voisine, ça n'a rien d'un fait divers. C'est un drame, une catastrophe, une horreur, un cauchemar, et bien d'autres choses jamias anodines ni sans importance. Un féminicide, donc. Mot, nous fait remarquer l'auteur, que les correcteurs orthographiques ne connaissent pas, alors qu'il correspond à une réalité malheureusement trop fréquente. Un de ces féminiscides qui peuplent les journaux : la femme avait contacté la gendarmerie, qui avait refusé sa plainte, et puis les choses ont continué à se dégrader, jusqu'au meurtre. Si prévisible, si imprévu. Pour la famille, il faudra affronter l'horreur, la stupeur, la culpabilité, la violence qui découle encore, définitivement, de la violence. Parce que dans les suites du meurtre, il y a encore des dégâts, irréparables, irréversibles, incalculables, imposés, inévitables.

Sans le moindre pathos, avec une distance étonnante voire inquiétante et une précision presque chirurgicale, notre narrateur nous raconte donc les secousses émotionnelles brutes des premiers temps, puis des suivantes, moins stupéfiantes mais tout aussi dures, les jours, les semaines, les mois, les années après le drame. Les mains tendues, les coups virtuels portés en supplément, le besoin de compréhension, la nécessaire mise à distance avec ce père à la fois aimé et haï, les vies bouleversées à jamais. 

Philippe Besson nous emmène faire le tour de tout ça, factuellement, à froid. Voir comment c'est d'être une "victime invisible". Et nous laisse imaginer le reste, la force de la tempête réelle. C'est ce qui fait qu'on tient jusqu'au bout du livre, même face à l'insupportable, parce que même dans le plus dur, les mots sont froids, nous gardent à distance, tout en nous laissant imaginer ce qu'est la proximité. Et c'est très fort, et glaçant. 

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Les monstres aussi ont le droit d'avoir un beau sourire.

La vie continuait, autour de nous. C'était formidable, c'était épouvantable.

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Ceci n'est pas un fait divers, Philippe Besson, 2023, 208 pages

Comments

[Mutti de Paris]

Brrr... j'en frissonne rien qu'à te lire

j'avoue, étant très sensible mes émotions ne survivraient pas et je risquerai d'être atteinte "au plus profond au dedans de moi-même" durant des semaines !

ce livre restera à la librairie