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Chez Plouf
9 mars 2021

Un jour viendra couleur d'orange, de Grégoire Delacourt

lu 2021 03_gregoire de lacourt_un jour viendra couleur d orange

L'histoire : Pierre est gilet jaune, dès le début du mouvement. Ses week-ends, ils les passent sur un rond-point, entre colère et rêve d'un autre monde. Mais Pierre est aussi père, de Geoffroy, un ado de 13 ans pour qui le onde s'organise autrement. Et puis mari aussi, enfin il devrait, de Louise, qui travaille en soins palliatifs, et protège son fils d'un amour de louve. Et puis il y a aussi Djamila, l'amoureuse de Geoffroy, et Hagop, le sage Arménien. Quelques chapitres aux couleurs de la vie de ces personnages...

 

Mon avis : d'abord il y a la plume de Grégoire Delacourt : fluide, érudite (j'ai appris beaucoup de vocabulaire !), et cette fois aussi compacte, très compacte, en chapitres ramassés, denses, sans paragraphes, comme des blocs solides, parfois limite indigestes, qui usent le souffle de lecture. Cette narration factuelle et empathe juste ce qu'il faut. Ensuite il y a des personnages extrêmement bien construits, comme les couleurs d'un arc-en-ciel, hauts en couleurs, variés, miscibles ou pas, brutaux parfois, tendres d'autres fois, qu'on pense bien avoir croisés, un jour, tant ils sont vrais. Enfin il y a la façon dont la colère teinte le monde, que ce soit dans le monde des gilets jaunes, dans le monde de Geoffroy qui ne sait pas y faire face sans se faire du mal, dans l'intimité (de la famille de Geoffroy, dans celle de Djamila, dans le couple Louise-Pierre ou ailleurs). La réflexion, aussi, sur les idéaux et les individus, sur la société, ou plutôt les sociétés qui cohabitent.

Et cela donne, au total, une fable plus qu'un roman, une fable actuelle, moderne, terriblement plantée dans la réalité contemporaine, et pourtant intemporelle, dans le fond. Qui dit les volontés de maîtrise, de contrôle, des uns et des autres, sous toutes les formes relationnelles que l'humain sait inventer. Et qui dit le bon du lâcher prise, le bonheur de la siplicité, comme toutes les fables spiituelles, sans avoir pourtant l'air de donner de leçons. 
Un superbe roman initiatique.

 

***

Un jour, alors qu'ils sarclaient, Hagop et lui avaient évoqué l'écrivain Thoreau, la cabane qu'il avait commencé à construire en 1845, pour vingt-huit dollars et douze cents, près de l'étang de Walden, son envie d'y mener une vie toute de simplicité et d'indépendance. Une vie qui aura duré deux ans et deux mois, avait précisé Geoffroy. Pff, petit joueur, ton Américain, avait commenté Hagop en riant, moi, ça fait cinquantte ans que je vis cette vie-là. Et Djamila et Geoffray s'étaient alors dévisagés. Heureux. C'était là qu'ils voulaient vivre. A l'abri de la fureur des pères. De l'agitation des hommes. Loin de tous les tremblements. Loin de ce pays qui brûle tous les samedis. De la haine qui rôde. De la misère. 

 

La différence fait peur, Djamila. Elle donne le sentiment aux autres d'être privés de quelque chose et au lieu de s'en nourrir, ils préfèrent la détruire. On cogne mon fils. On assomme un homosexuel. On tabasse un Noir. Un Arabe. On frappe tout ce qui risquerait de révéler qu'on n'est pas si extraordinaire que ça. La peur de l'autre, c'est la peur d'être soi-même médiocre. 

 

***

Un jour viendra couleur d'orange, Grégoire Delacourt, 2020, 268 pages

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