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Chez Plouf
25 novembre 2019

Le Bal des folles, de Victoria Mas

lu 2019 11_victoria mas_le bal des folles

L'histoire : 1885. A la Salpêtrière, à Paris, là où officie le réputé Dr Charcot, il y a d'un côté les "aliénées" et de l'autre les soignants, infirmières, internes, etc. Jeunes ou vieilles, on envoie là les femmes qui n'entrent pas dans le moule de ce que la société attend d'elles, celles que la vie ou les hommes ont cabossées, les vraies folles, les dépressives, les "pas conformes". Nous allons suivre un court épisode de vie de ce lieu d'enfermement, pendant les quelques semaines des préparatifs du bal de la mi-carême, où la bourgeoisie du Paris "normal" vient jouer à se faire peur et assouvir sa malsaine curiosité à la Salpêtrière. Nous allons surtout y suivre l'histoire d'une jeune fille de bonne famille qu'on place là, et celle d'une soignante dévouée.

 

Mon avis : un roman qui se lit très rapidement, et très facilement, avec un énorme plaisir. Des histoires tragiques, des personnages attachants, une histoire saillante qui donne un fil conducteur au roman, nous détournant un peu du côté presque documentaire historique que ça aurait pu prendre, sans pour autant nous en ôter l'intérêt puisque ça reste el décor de fond. Beaucoup d'éléments passionnants dans ce premier roman. L'enfermement est bien rendu, la perception différente d'une aliénée à l'autre aussi, l'ambiance féminine des lieux, tout cela est subtilement transmis, sans en faire des tonnes, de manière un peu détachée, mais on s'y croirait !  L'histoire est prenante quoique simple, jusqu'au bout on se demande si ça marchera ou pas. Cependant, le livre reste un roman, et en cela on pourrait y voir un défaut : chaque élément aurait mérité d'être plus creusé, plus poussé, on ne fait qu'effleurer la surface pour la plupart des sujets, et c'est dommage, tout cela aurait mérité d'être étoffé, renforcé, approfondi. Mais cela aurait alourdi aussi l'histoire, qui reste assez légère malgré le contexte, et c'est peut-être le parti pris de l'auteure, de garder ce côté accessible à tous du roman, de ne pas en faire un pavé, de conserver ce côté agréable. Donc à la fois j'ai adoré ce roman, et je me suis sentie un peu frustrée de ne pas en savoir plus, de ne pas rester plus longtemps dans cette ambiance, avec ces personnages, de ne pas mieux les connaître, etc. 

En bref : à lire ! 

 

***

Quelques extraits...

 

La maladie déshumanise ; elle fait de ces femmes des marionnettes à la merci de symptômes grotesques, des poupées molles entre les mains de médecins qui les manipulent et les examinent sous tous les plis de leur peau, des bêtes curieuses qui ne suscitent qu'un intérêt clinique. Elles ne sont plus des épouses, des mères ou des adolescentes, elles ne sont pas des femmes qu'on regarde ou qu'on considère, elles ne seront jamais des femmes qu'on désire ou qu'on aime : elles sont des malades. Des folles. Des ratées.

 

 Les rêves sont dangereux, Louise. Surtout quand ils dépendent de quelqu'un.

 

Alors que dire, le vrai ou l'invention ? Souvent, la vérité ne vaut pas mieux que le mensonge. D'ailleurs, ce n'est pas entre les deux qu'on fait son choix, mais entre leurs conséquences respectives.

 

On ne sait jamais vraiment si l'on a bien fait de révéler sa vérité. Ce moment d'honnêteté, soulageant sur l'instant, se mue rapidement en regret. On s'en veut de s'être confié. De s'être laissé emporter par l'urgence de dire. D'avoir placé sa confiance en l'autre. Et ce regret nous fait promettre de ne plus recommencer.

 

Libres ou enfermés, en fin de compte, les femmes n'étaient en sécurité nulle part. Depuis toujours, elles étaient les premières concernées par les décisions qu'on prenait sans leur accord.

 

Croire, c'est s'aider.

 

La foi inébranlable en une idée mène aux préjugés. T'ai-je dit combien je me sentais sereine, depuis que je doute ? Oui, il ne faut pas avoir de convictions : il faut pouvoir douter, de tout, des choses, de soi-même. Douter.

 

***

Le Bal des folles, Victoria Mas, 2019, 256 pages

Prix Renaudot des Lycéens 2019

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