Même modernisée, la psychanalyse reste la psychanalyse, et voilà un livre de pure psychanalyse.
Sujet actuellement pas mal traité dans plusieurs essais, et ici l'auteur s'intéresse à la pathologie en elle-même, à comprendre le pourquoi du comment, aussi bien du côté du pervers que du côté de la proie, mais surtout du pervers (qui tient déjà en temps habituel tout l'écran, donc autant continuer ! lol). Il vulgarise beaucoup son propos, dans des explications plutôt claires. Pour autant, on reste (comme toujours avec la psychanalyse) sur des théories, des hypothèses plus ou moins capillotractées, présentées comme des certitudes, des fondements psychologiques certains, avec une redondance permanente et relou du fameux complexe d'Oedipe remis à toutes les sauces, quoique dans une version modernisée (moins grotesque, c'est indéniable).

Il y a bien quelques tirades plutôt empathiques vis-à-vis des victimes, et qui font toujours du bien à lire (ainsi que le reste, quand même ça reste un livre agréable à lire), évidemment, mais qui ressemblent à tout ce qu'on peut lire ailleurs sur le sujet, et si peu mâtinées de psychanalyse, pour le coup, qu'on se demande si ça n'aurait pas été pompé ailleurs pour mieux vendre le pack complet, comme on ajoute un goût fraise chimique à un antibiotique de mauvais goût. Empathie oui, et grands principes pour aller mieux, sans aucun mode d'emploi. Faire le deuil, avoir confiance en soi, etc. Emballé c'est pesé, yaka. Donc le livre ne s'adresse pas forcément aux victimes, plutôt aux gens curieux, qui cherchent à comprendre, pour peu qu'on porte crédit aux théories psychanalytiques.

Les exemples de patients, parfois intéressants, sont cependant assez brouillons. Dans la forme déjà car ce ne sont que des encarts, qu'il faut donc lire entre deux paragraphes, puisqu'ils ne s'insèrent pas dans le corps du texte, ce qui peut parfois être une bonne idée, mais entrave aussi parfois le cheminement de pensée. Sur le fond, il faut régulièrement revenir en arrière, chercher, le lien avec le sujet n'est pas toujours limpide, et ça donne l'impression assez nette de se faire balader (oh ben tiens, c'est intéressant, ça, dans un livre sur la manipulation mentale !).

Un peu dommage, donc, dans l'ensemble, pour ce livre plutôt bien vulgarisé, facile à aborder malgré quelques pertes dans les termes techniques (rares sont les psychanalystes écrivains qui se refusent ce petit plaisir égotique de dominant auto-ressenti), dans l'ensemble très agréable à lire quand même, et finalement assez consensuel si on glisse sur le côté psychanalyse. En tout cas, un point de vue intéressant à connaître.

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Quelques extraits...

En dévalorisant l'autre, le pervers croit se revaloriser. Maintenant, il appartient à la victime de se justifier et de démontrer le contraire. Il sera alors si facile à l'agresseur de démonter ses arguments et ainsi de la maintenir et de l'enfoncer progressivement dans un chaos délétère, chaos qui à l'origine appartient au pervers, mais qu'il "expulse" chez l'autre pour s'en soulager tout en le culpabilisant. Ainsi, chaos et culpabilité appartiennent maintenant à la cible de ses injonctions. Il est important de noter que, tant que la victime se justifie, elle laisse à l'abri l'agresseur, qui n'est alors jamais mis en danger, faisant ainsi le jeu de l'offenseur.

Quant à la victime du pervers, elle devra respecter des processus équivalents à ceux du deuil pour espérer échapper à l'emprise de son bourreau : sortir du déni, accueillir colère et tristesse pour pouvoir se reconstruire.

Il existe plusieurs types de pervers : des personnes en rgande souffrance qui utilisent des mécanismes pervers narcissiques pour tenter de s'en sortir, des pervers accomplis qui ne souffrent ni ne culpabilisent, et une catégorie capable en plus de mimer de l'empathie et de simuler une fausse conscience, puis de passer froidement à l'acte. Donald Winnicott les nomme as if. Ils peuvent adoucir leurs voix, faire référence à de belles théories et mimer dans certains cas de la sympathies envers leurs victimes. Certains peuvent même endosser un rôle parfaitement au point (protecteur, défenseur de grandes causes...), voire rendre malades puis soigner ou faire soigner leurs victimes.

On pourrait penser que la force de la victime est sa capacité à donner et que la force du pervers est sa capacité à ne rien donner mais à beaucoup promettre.

Conseil pratique

La victime, ayant perdu tout repère, aura besoin de l'entendre de la bouche d'un tiers. cette personne peut être un ami, un parent, un thérapeute; Mais il est important qu'elle reste neutre. La neutralité n'empêche pas la requalification des faits.

Christophe Carré, auteur d'un livre sur les manipulateurs, nous propose des traits communs aux victimes de manipulateurs : la victime est souvent généreuse, sincère, aimable et ouverte aux autres ; elle a d'emblée confiance dans la relation mais fait preuve de naïveté ; elle manque de confiance en elle ; elle est à la recherche d'une relation qui l'aide à se structurer ; elle se montre excessivement empathique et responsable ; elle est protectrice, aime, console, rassure ; elle accepte la critique et culpabilise facilement ; elle renonce volontiers à son esprit critique, à son autonomie et à sa dignité ; elle veut toujours faire plaisir et donner le meilleur d'elle-même ; elle accepte de se soumettre, s'illusionne et persiste dans son investissement affectif ; elle est souvent fière, orgueilleuse et refuse de voir la réalité en face ; elle ne se perçoit pas comme une victime.

Le pervers narcissique, n'ayant pas été rassuré dans son enfance, est resté fixé aux premiers temps de sa vie et il tente sans cesse de vérifier sa toute-puissance, quitte à détruire ceux qui l'entourent en essayant de comprendre, voire de recréer, sa réalité. Sa victime étant pour lui comme un objet transitionnel, il tente de la détruire puis retourne la chercher dans la réalité. N'ayant pas été mis à distance de sa mère, il n'a pu trouver sa propre image, piégé entre désir de fusion et besoin de distance, il vérifie sa toute-puissance par la séduction et cherche à se décoller de l'autre en essayant de détruire son image.

Nous l'avons vu, le psychisme est régi par le principe de plaisir (inconscient) et par le principe de réalité (conscient). Le fantasme, à mi-chemin, permet de garder une zone protégée où règne le principe de plaisir sans préjudice dans la réalité. Pour une personne normalement structurée, la réalité est frustrante et le fantasme fort. Le fantasme permet de pallier les désirs interdits. Pour le pervers, le fantasme ets faible. Il ne supporte pas le frustration, ne peut se contenir et est dans le passage à l'acte.

Cela rend fou de s'entendre reprocher des défauts que l'on n'a pas. On ne peut pas réagir.

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Les Pervers narcissiques, de Jean-Charles Bouchoux, 2009 (réédition augmentée de 2011), 215 pages

Les pervers narcissiques, de Jean-Charles Bouchoux

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