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Chez Plouf
18 avril 2020

Personne n'a peur des gens qui sourient, de Véronique Ovaldé

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L'histoire : Gloria s'enfuit avec ses filles, Loulou et Stella, parce qu'elle sent qu'un homme de leur entourage proche est devenu dangereux. Elles vont dans sa maison d'enfance, loin de leur vie habituelle. Gloria les coupe de leurs amies, de leurs vies. Pour les protéger. Et doucement, nous allons découvrir sa vie, comprendre pourquoi, et comment.

 

Mon avis : un roman très agréable. On commence comme s'il était léger, on prend parti facilement, on avance dans une histoire un peu classique pour un roman, la mère solo, ses filles, quelque chose qui la fait fuir. Et puis doucement, le monde devient moins noir et blanc, se teinte de gris à mesure u'on découvre le passé et ses petits et grands secrets. Jusqu'à la fin, formidable. Je n'en dirais pas plus concernant l'histoire. Ce roman est bien écrit, remarquablement construit, le lecteur est manipulé à merveille. Un régal pour réfléchir sur les apparences, ce qui fonde nos vies, sur la maternité aussi, sur les limites de ce qu'on accepte, et tant d'autres choses, à chaque partie du livre il y a plein de pistes, semées comme des petits cailloux.

 

***

 

Samuel pensé, En voilà une qui n'est pas le moins du monde à ma portée. 

 

(Je ne cesserai jamais de m'étonner de la manière dont on perçoit l'autre la première fois, l'autre qu'on aimera plus que tout, l'autre qu'on aimera imprudemment, totalement, tragiquement, cette manière de craindre qu'il devine combien nous sommes minuscules et vulnérables même s'il ne nous a pas vus enfants quand nous pleurnichions avec notre genou écorché, il ne nous a pas vus souffrir d'être le dernier choisi dans l'équipe de volley-ball, il ne nous a pas vus nous bagarrer à l'école parce qu'on se moquait de notre coupe de cheveux. Cette manière qu'on a d'être tétanié face à l'autre qu'on aimera plus que tout, et de ne pas se rendre compte un seul instant qu'il est aussi effrayé que nous, est une chose qui me bouleverse.)

 

C'est étonnant d'assister à un coup de foudre, c'est comme d'être pris dans un mouvement de foule dans un couloir du métro, un samedi, pendant une période d'attentats. Vous êtes embarqué et vous abandonnez toute défense, vous regardez passivement ce qui se déroule, vous attendez que ça s'arrête et vous vous dites, Ah c'est donc cela dont tout le monde parle.

 

Il n'y a rien de plus contagieux que la méfiance. C'est un redoutable venin.

 

"Il suffit d'un sourire pour qu'on te croie neutralisée. hier, quand je suis allée à vélo jusqu'au bled pour faire les courses, je n'ai pas souri une seule fois, ça a mis tout le monde mal à l'aise. Tu devrais d'ailleurs essayer plutôt que de sourire au monde entier comme une désespérée. C'est passionnant.[...]"

 

La malédiction des femmes Schalck : elles engendrent des enfants dont elles se désintéressent dans l'instant. Indifférence qui les rend vaguement malheureuses : elles se devinent inadéquates dans leur rôle de mère, et du coup la culpabilité les porte à devenir agressives, démonstratives quand il ne le faut pas, et insensibles le reste du temps.

 

Mais elle entretient, comme beaucoup d'anciens enfants tristes, une relation particulière aux choses invisibles.

 

Tonton Gio n'avait aucune confiance dans la médecine officielle : il supportait les chirurgiens ("Parfois il faut ouvrir") mais les médecins généralistes n'étaient pour lui qu'une vaste blague uniquement destinée, au même titre que la religion, à rassurer les cons.

 

Gloria observait Samuel et se demandait sur quoi reposait une relation : était-ce simplement sur la capacité d'oubli et de pardon de chacun des protagonistes ?

 

***

Personne n'a peur des gens qui sourient, Véronique Ovaldé, 2019, 272 pages

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