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Chez Plouf
4 septembre 2015

Réparer les vivants, de Maylis de Kerangal

livre_maylis de kerangal_reparer les vivants_2015 08

L'histoire : 24h sur le don d'organe. 24h concentrées, denses, intenses, essentielles. Du début à la fin, chronologiquement, comment les acteurs du don d'organe (proches du défunt, soignants, receveur, etc.) sont embarqués dans ce tourbillon de 24h. On commence par le début, avec une séance de surf dont on sort sonné comme si on avait pris la vague avec ces trois jeunes gens, on a senti les embruns, le froid, la fatigue, l'excitation ! Comme eux on est épuisé, et l'accident survient, alors que l'un des trois, Simon Limbres, n'est pas attaché...

 

Mon avis : j'ai d'abord été frappée par le style, léché, des phrases longues, parfois presque interminables sur plusieurs pages, et parfois si courtes, des mots tour à tour très terre-à-terre, presque triviaux, et immédiatement après ou avant totalement éthérés. Ce style tellement particulier participe à l'intensité invraisemblable de ces 24h décisives, cruciales. Ce style rend à merveille toutes les violences invisibles qui entourent un don d'organes. Et Maylis de Kerangal ne nous épargne rien, même pas les interrogations philosophiques sur le sujet, tout en gardant une distance littéraire impeccable, en étant à la fois et paradoxalement lourde et légère. Un bouquin très agréable à lire, mais presque une plongée en apnée, dont on ressort un peu mal à l'aise, un peu secoué, et pourtant content d'avoir été là, juste là, spectateur intime, émotionnel, pudique et intemporel de ces 24h indispensables. D'ailleurs le livre débute par une séance de surf, et on en

Joli rôle inhabituel dans lequel ce livre place le lecteur de bout en bout, vraiment.

 

***

Feuilletons ensemble quelques extraits...

 

Car ce que Goulon et Mollaret sont venus dire tient en une phrase en forme de bombe à fragmentation lente : l'arrêt du coeur n'est plus le signe de la mort, c'est désormais l'abolition des fonctions cérébrales qui l'atteste. En d'autres termes : si je ne pense plus alors je ne suis plus. Déposition du coeur et sacre du cerveau - un cou pd'Etat symbolique, une révolution.

 

[...] un patient du service en état de mort encéphalique. Constat qui sonne comme une sentence conclusive quand pour Thomas non, c'est un sens autre qu'elle déploie, désignant au contraire l'amorce d'un mouvement, l'enclenchement d'un processus.

 

[...] dans son bureau, au revers de la porte, il a scotché la photocopie d'une page de Platonov, pièce qu'il n'a jamais vue, jamais lue, mais ce fragment de dialogue entre Voïnitzev et Triletzki, récolté dans un journa qui traînait au Lavomatic, l'avait fait tressaillir comme tressaille le gamin découvrant le fortune, un Dracaufeu dans un paquet de cartes Pokémon, un ticket d'or dans une tablette de chocolat. Que faire Nicolas ? Enterrer les morts et réparer les vivants.

 

Elle traverse le boulevard en diagonale, cherchant à capter le regard des conducteurs qui freinent devant elle, écoute les rails brûlants vibrer au-dessus de sa tête, elle aimerait croiser un animal, un tigre dans l'idéal, ou une chouette effraie, le disque facial en forme de coeur, mais un chien errant ferait très bien l'affaire, ou des abeilles simplement merveilleuses.

 

Car ce corps que la vie a éclaté retrouve son unité sous la main qui le lave, dans le souffle de la voix qui chante ; ce corps qui a subi quelque chose hors du commun rallie maintenant la mort commune, la compagnie des hommes. Il devient un sujet de louanges, on l'embellit.

 

***

Réparer les vivants, Maylis de Kerangal, 2014, 288 en version brochée, 209 pages en version numérique

Roman des étudiants-France culture-Télérama 2014, Grand Prix RTL-Lire 2014, Prix Orange du livre 2014, Prix Charles-Brisset, Pris des lecteurs L'Express-BFMTV 2014, Prix Relay des Voyageurs-Europe 1, Prix Paris-Diderot-Esprits libres 2014, Meilleur Roman 2014 magazine Lire, Prix Pierre Espil 2014, Prix Agrippa d'Aubigné 2014.

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Commentaires
G
Quand on est passé par là,on peut confirmer que c'est tout à fait le déroulement d'une greffe d'organe, parfaitement relaté côté médical et côté psychologique. C'est le meilleur livre sur le sujet, un peu romancé, que j'ai lu jusqu'à présent.
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P
J'ai aimé mais j'ai eu aussi ce sentiment de malaise, un je ne sais quoi qui me perturbait.
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M
Je l'ai commencé mais pour le moment j'ai du mal à accrocher ! Le style et l'histoire sont particuliers. J'ai aimé le début mais je me suis essoufflée au bout de 47 pages. Il est vrai que j'ai du mal avec les histoires qui retracent l'ambiance des hôpitaux, de la maladie... Je compte quand même le finir progressivement. Bon weekend !
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