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Chez Plouf
5 février 2014

Je suis à l'est ! de Josef Schovanec

livre_josef schovanec_je suis a l est

L'histoire : celle de Josef Schovanec, cet autiste que vous avez peut-être déjà croisé à la télé, dans des émissions ou documentaires, sur internet, lors d'une conférence... Une petite part de son histoire, quelques anecdotes, quelques avis, juste de quoi le connaître et comprendre un peu mieux...

 

Mon avis : un livre très agréable à lire, style fluide et personnage sympathique. Josef Schovanec ne prétend pas être représentatif de quoi que ce soit, il est un exemple parmi d'autres de ce que peut être l'autisme, rien de plus, rien de moins non plus, et c'est bien pour ça que je trouve qu'il est probablement un remarquable porte-parole, même s'il s'en défend. Et alors plusieurs tirades passionnantes et bien souvent discrètement érudites, sur la normalité, sur la psychanalyse, sur les asso en fin de livre, et j'en passe, quel bonheur à lire ! 

En bref et pour tout le bouquin : j'ai bien apprécié, mais je ne sais pas si je recommande à tous de le lire, je ne sais pas dans quelle mesure il peut apporter quelque chose à tous, ni s'il est représentatif de l'autisme vu de l'intérieur ou juste de sa personnalité à lui (avec autisme oui, mais pas que)... en tout cas, c'est un point de vue, une vie, un récit intéressants, en soi. Et puis il y a le plaisir des mots, puisque c'est un livre, une écriture délicieuse, si juste, exacte et précise, beaucoup d'humour, du recul (ou pas), et puis ces petits à-côtés constants qui restent dans la trame en donnant l'air de batifoler de droite et de gauche comme un léger papillon, alors que dans le fond, mine de rien, le récit reste assez linéaire et cohérent... et la pertinence des exemples choisis ! Rhâ ! Génial !

 

J'ai beaucoup hésité à publier un avis sur ce livre, c'est pour ça que j'ai mis plusieurs jours, et mon premier commentaire au brouillon était trop perso... J'ai lu ce livre en immersion ou quasiment, dans un état émotionnel indescriptible, à la fois panique et sérénité, angoisse et jubilation. En tout cas, comme certaines rencontres, ça n'est pas un livre anodin pour moi, dans mon cheminement intime, ça c'est certain !

 

***

Feuilletons ensemble quelques extraits...

 

incipit : En guise d'introduction

Pourquoi les livres ont-ils souvent une introduction ?

 

page 25 : Certaines questions n'auront, je le crains, tout simplement jamais de réponses. Les raisons profondes de la nécessité d'aller à l'école en font partie. Il y a la réponse officielle, à savoir que l'on va à l'école pour apprendre ce que dit la maîtresse ou le maître. La réponse foucaldienne, qui évoque la discipline des corps. Celle de l'Eglise romaine, quelque peu liée, qui invoque la vertu. J'ai retenu pour ma part avant tout l'arbitraire de l'obligation de scolarité. c'est paradoxalement d'ailleurs pour cela que je l'appréciais malgré tous ses défauts. Aujourd'hui, je crois que k'école est bel et bien un lieu d'apprentissages nécessaires ; seulement, ce ne sont pas toujours ceux que le programme prévoit explicitement.

 

pages 88-89 (le "il" est un de ses psys) : Lorsque j'évoquais mes angoisses, par exemple dans les magasins, il m'expliquait qu'en fait, j'avais des pulsions de vol ou d'agression tellement fortes que, au moment du refoulement, se créait cette anxiété. La particularité de ce mécanisme mental est d'être indémontrable et irréfutable : le fait que, par exemple, je n'aie jamais volé dans un magasin (mais là encore, peut-on en être sûr ? Je l'ai peut-être fait sans m'en rendre compte, ou alors sur le plan symbolique) ne faisait que prouver le caractère refoulé des pulsions susdites.

 

page 111 : Mon niveau d'anxiété est lui ausi assez stable, mais à un niveau élevé. 

Cela peut présenter quelques avantages. Ainsi je crois être plus en mesure que beaucoup de gens de faire face à des situations anxiogènes. Passer un oral, celui du bac par exemple, est un évènemnt stressant, mais pour moi il ne l'est pas plus que d'autres moments de la vie quotidienne. Etant habitué à avoir un fort niveau de stress, l'impact de ce stress additionnel peut être, je crois, plus aisément géré.

 

page 132 : Pour autant, il ne faut pas croire que les autistes ont des stéréotypies et que les non-autistes n'en ont pas. Les stéréotypies des personnes non autistes passent simplement pour naturelles, sont mieux acceptées socialement. Il est hautement instructif à ce titre de regarder les gens, par exemple dans les transports en commun : chacun a son petit tic, les cheveux, les lunettes, les mouchoirs...

 

pages 173-174 : Le danger additionnel pour les personnes autistes, en plus de leur maladresse et de leur vulnérabilité, est leur propension à considérer, après des années de rejet et de solitude, chaque contact comme une faveur exceptionnelle, qui dès lors ne saurait être questionnée.

 

page 195 : Tout un pan de la littérature, avec Gulliver, les Lettre spersanes, et que sais-je d'autre, a pour mission de dénoncer par la satire les travers issus de l'incapacité d'une société à appréhender une altérité.

Je crains que la France, de par bon nombre d'éléments culturels, n'ait quelques difficultés supplémentaires en la matière. La normalité y est valorisée plus que tout. A l'école, quand on veut blâmer un enfant, on lui dit : "Ne fais pas l'intéressant !" Alors que l'objectif de toute vie artistique, professionnelle, voire de toute vie humaine, est précisément d'être intéressant.

 

page 212 (il parlait précédemment d'autisme) : Mais chut ! Tout cela ne saurait être dit aussi brutalement. Il faut le reformuler un peu autrement, pour que le propos passe. Pour que le discours "questionne ses fondements épistémologiques", comme on dit dans le jargon des sciences humaines. Pour qu'il "articule les niveaux d'interaction des synergies en présence et appréhende de manière proactive les mutations globales en cours", comme on disait à Sciences po quand on ne savait plus quoi dire. 

 

page 222 : Pendant mon année en Allemagne, en 2000-2001, j'avais passé un test d'admission à l'association internationale Mensa, qui regroupe des personnes ayant, ou croyant avoir, un score intellectuel dans les 2% supérieurs, comme ils disent. Comprenez : les gens les plus intelligents, géniaux et modestes que la Terre ait jamais portés.

 

pages 231-232 : Lorsqu'on prend la peine d'analyser réellement les drames vécus dans le monde autistique, peu sont directement rattachables à l'autisme en tant qu'entité massive et bien déterminée. Si un enfant autiste est déscolarisé, est-ce que c'est un drame du fait de l'autisme ? Si un enfant autiste est tabassé à chaque récré, est-ce que c'est un drame lié à l'autisme ? faisons un parallèle avec le combat féministe qui défend l'idée qu'on ne puisse pas dire qu'une femme a été violée du fait de son apparence. La comparaison est peut-être bancale ; toutefois je crois que si un enfant, autiste ou non, se fait tabasser, il serait abusif de dire que cela est dû à l'autisme, ou à son autisme.

 

page 244 : [...] plus d'une fois, interrogé par des professionnels de l'autisme, j'ai été surpris de leur insistance sur cette thématique [ndp : la souffrance]. A tel point que j'ai cru comprendre que la souffrance de l'autiste était une nécessité vitale pour le praticien. Dans les cas désespérés, c'est-à-dire sans souffrance, ce dernier aura parfois recours à l'argument irréfutable : vous souffrez tellement que vous ne vous en rendez même pas compte. 

 

page 245 : Je crois que l'être humain est celui qui rit, qu'on le veuille ou non.

 

***

Je suis à l'est ! Josef Schovanec, 2012, 247 pages

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Commentaires
L
J'ai lu (et aimé) la moitié du livre. J'ai arrêté en cours de route simplement parce je n'arrive plus à m'assoir avec un livre, mais je ne désespère pas de le finir.<br /> <br /> Je ne suis pas personnellement concernée par l'autisme, mais je suis passionnée par les récits de gens "différents", et je me rends compte que j'ai toujours cherché la compagnie de personnes avec un truc en plus (très grand, très petit, très extraverti, très intelligent, très... autre). En plus certaines de choses qu'il écrit trouvent écho en moi ou me font penser à des proches...
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M
j'ai lu, j'ai aimé, je l'ai vu en conférence, j'ai adoré, c'est un personnage qui est représentatif de qq personnes avec autisme (ce sont ses paroles), juste, poignant, une vue de l'intérieur qui ne laisse pas indifférente.
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P
J'adore Josef !
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E
J'ai beaucoup apprécié lire ce livre qu'on m'avait prêté. J'ai aimé ses propos, sa clairvoyance sur l'aide apportée par la psychanalyse et la prise de médicaments. Je n'y ai pas du tout retrouvé ma fille qui se situe "au milieu" du spectre autistique, mais j'aime lire ces récits de l'autisme vu de l'intérieur. J'aime qu'on oublie pas que l'autisme c'est avant tout les personnes autistes et non les pros qui s'occupent d'eux et leurs familles qui militent pour une meilleure prise en charge.
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A
A y est, je viens de le commander d'occase sur Ebay! Depuis le temps que je voulais le lire, j'ai hâte!
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