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Chez Plouf
17 janvier 2014

La nostalgie heureuse, d'Amélie Nothomb

livre_amelie nothomb_la nostalgie heureuse

L'histoire : au printemps 2012, Amélie Nothomb est retournée, pour un tournage, au Japon, pays de son enfance et de son jeune âge adulte. Ce voyage prend l'allure d'un pélerinage, pendant lequel l'auteure nous raconte chaque journée...

 

Mon avis : un livre très agréable. Toujours aussi précisément virtuose avec sa plume, l'auteure nous entraîne cette fois dans un récit très actuel d'un épisode de sa vie. Ce qu'elle nous narre là est à la fois très intime sur le fond, et la forme est, comme toujours, très distanciée, ce qui crée un décalage inhabituel (dans le monde d'aujourd'hui, pas dans les oeuvres de la demoiselle) toujours aussi délicieux à mon goût. Délicieux oui, c'est le terme juste, car j'ai dévoré ce livre en à peine plus de 24 heures... Peut-être le fait qu'on ne m'en avait pas dit que du bien m'a-t-il influencée à l'envers, je ne sais pas, mais je ne le crois pas. Ce livre est très autocentré, cependant l'héroïne reste un personnage de roman magnifique, cohérent, unique, si spécial que ça ne m'a, à aucun moment, gâché la lecture. Si je devais résumer ce livre en un seul mot, que ce soit au plan du style, de la transmission des émotions ou de ce qui en émane du personnage, ce mot serait : délicatesse. 

 

J'avoue avoir du mal à prendre le recul nécessaire pour une analyse minimale tant le récit de certaines perceptions et sentiments personnels qu'elle nous raconte m'a interpelée. Je ressens que ces émotions sont inhabituelles, font partie de ces petites bizarreries qu'on lui attribue, mais elles me sont tellement familières (personnellement, et pour Le Paquet, dont j'ai retrouvé certaines formulations au mot près !) que cela m'a étonnée assez pour que je n'en décolle qu'avec difficulté, tant mon raisonnement en est entravé. 

 

***

Feuilletons ensemble quelques extraits...

 

page 38 : Qu'est-ce qu'une caméra peut percevoir de ce qui se passe en moi ? Elle capte les remous à la surface du lac. Je reste dans mes grands fonds, là où aucune lumière n'arrive jamais.

 

page 78 : Tokyo, c'est d'abord un rythme : celui d'une explosion parfaitement maîtrisée. Quand on y revient après une longue absence, on doit s'isoler quelques secondes en une sorte d'apesanteur pour réatterrir dans le tempo. Dès que les pieds sentent la pulsation, on y est.

 

page 90 : - "Natsukashii" désigne la nostalgie heureuse, répond-elle, l'instant où le beau souvenir revient à la mémoire et l'emplit de douceur. Vos traits et votre voix signifiaient votre chagrin, il s'agissait donc de nostalgie triste, qui n'est pas une notion japonaise.

 

page 101 : L'unique explication que j'ai trouvée à ma pathologie est mon apparrtenance à l'espèce aviaire : les oiseaux n'ont jamais de retard dans leurs migrations, leurs pontes. Il leur arrive en revanche d'avoir de l'avance. Hélas, quand je suggère cette hypothèses aux hôtes consternés que je sois déjà là, ils rient jaune. 

 

page 107 : A travers un dédale de ruelles, nous arrivons au cimetière d'Aoyama : la nécropole de la mégalopole. Ici reposent ceux qui sont morts dignement. On est soulagé pour eux.

 

pages 127-128 : Il n'y a pas que du mal à dire au sujet de la gêne. La langue le prouve : il n'est pire individu qu'un sans-gêne. La gêne est un étrange défaut du centre de gravité : n'est capable de l'éprouver qu'une personne dont le noyau est demeuré flottant. Les êtres solidement centrés ne comprennent pas de quoi il s'agit. La gêne suppose une hypertrophie de la perception de l'autre, d'où la politesse des gens gênés, qui ne vivent qu'en fonction d'autrui. Le paradoxe de la gêne est qu'elle crée un malaise à partir de la déférence que l'autre inspire.

 

page 129 : Des immeubles ont été construits à la place des iris pour ce motif qu'on n'habite pas un iris. J'ai beau jeu d'en être choquée : moi aussi, je suis heureuse de ne pas habiter un iris.

 

page 147 : La plus dangereuse de mes faiblesses est sans doute cette porosité exagérée face à l'excès de splendeur. J'y entre à ce point de plain-pied que je me sens adoubée par l'existence du prodige.

 

***

La nostalgie heureuse, Amélie Nothomb, 2013, 152 pages

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Commentaires
C
J'ai reçu pour Noël " le vieux ...anniversaire " <br /> <br /> C'est clairement déjanté et même un poil foutage de g... du lecteur à la vie supposée de ce vieux, mais c'est affiché. Je me distille les dernières pages tant j'ai aimé
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C
J'ai reçu pour Noël " le vieux ...anniversaire " <br /> <br /> C'est clairement déjanté et même un poil foutage de g... du lecteur à la vie supposée de ce vieux, mais c'est affiché. Je me distille les dernières pages tant j'ai aimé
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L
J'avais aimé la "Métaphysique des tubes" et son évocation du Japon, de son enfance. Ton analyse de l'écriture d'Amélie Nothomb me semble très, très juste et je vais donc lire celui-ci de suite !!!<br /> <br /> <br /> <br /> Ses écrits sont toujours très intimes toute ne gardant comme tu le dis très bien une certaine distance qui évite de mettre le lecteur mal à l'aise comme c'est le cas dans d'autres ouvrages.<br /> <br /> <br /> <br /> Et puis j'avais entendu dire (par elle, même il me semble) que la nostalgie au Japon n'avait pas du tout la même connotation passéiste et tristoune qu'on lui donnait dans nos contrées.<br /> <br /> <br /> <br /> Merci du conseil. Bonne journée.<br /> <br /> Valérie<br /> <br /> <br /> <br /> PS: je viens de terminer "Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire". J'ai pensé à toi qui aiment les récits un peu décalés et déjantés. Vraiment il y avait longtemps que je n'avais pas lu un aussi bon roman "contemporain" drôle, avec du contenu et bien écrit. Mais peut-être l'as-tu déjà lu ???
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