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Chez Plouf
28 avril 2013

Le vase où meurt cette verveine, de Frédérique Martin

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L'histoire : Joseph et Zika sont mariés depuis plus de cinquante ans. L'histoire commence quand ils s'écrivent pour garder un contact, car ils sont momentanément séparés en raison de l'état de santé de Zika, qui nécessite quelques examens et soins. Elle est donc logée chez leur fille célibataire, qui habite près d'un hôpital. Lui est chez leur fils, avec sa famille recomposée. Une année de correspondance et de vie qui va tout changer, bouleverser, dramatiser à l'extrême les existences de chaque membre de cette petite famille...

 

Mon avis : un très beau roman épistolaire. L'écriture, un brin surranée, est très savoureuse tout en restant fluide. S'y ajoute avec bonheur un sens très aigu de la formule.

Sur le fond, j'ai d'abord eu un peu de mal avec ces vieux si caricaturalement de leur génération que j'avais parfois envie de les baffer, avec leurs certitudes, et puis ce côté plaintif, cette manie de rejeter la faute sur l'autre tout le temps quitte à faire des circonvolutions mentales, et puis j'étais agacée par leur refrain façon "mon amour, mon coeur"... Et justement à cause de tout ça, je me suis attachée très vite à ces gens si réels, consistants, imparfaits. Et j'ai dévoré leurs lettres, leur vie en cette année pas comme les autres, ce tapis qui s'est déroulé inexorablement, dans les non-dits, les cris et les silences dévoilés par écrit, vers le drame. Vraiment un très très beau roman, triste, poignant, qui serait brutal sans le filtre de l'amour irraisonnable et la manière dont les protagonistes s'y cramponnent solidement, et finalement tout simplement beau et tragique.

édit pour oubli :

un petit presque-bémol cependant : le manque de rigueur de la correction (fautes d'accord comme celle reproduite ci-dessous dans l'extrait de la p.113 -ah ben non dites finalement, j'aurais mieux fait de me taire, coir dans les commentaire =^.^= - ; oubli de pluriel, etc.). Peu nombreuses, les erreurs ne sont pas gênantes parce que le roman est épistolaire, elles donnent alors (volontairement ? j'en doute) une petite impression de "fait main".

 

***

Feuilletons ensemble quelques extraits...

 

incipit : Ma très chère femme,

Comment a débuté ce grand bazar ?

 

page 14 : Les murs ont des échos de stupeur devant ton absence.

 

page 27 : Deux jours après mon installation, je suis toujours bien serré dans mon costume de chagrin.

 

page 42 : - Allons, mesdames, pas d'émotions fortes.

Comme s'il y en avait des faibles.

 

page 47 : Je vais te laisser pour l'instant, il faut que j'aille raboter mes humeurs dans une promenade.

 

page 112 : Le béton rote une haleine si chaude et si puante qu'elle secouerait les gargouilles de leur perchoir.

 

page 113 : Ce matin, pendant que je me préparais, une vieille chipie m'observait de son oeil noir. Une tête antipathique, des lèvres pincées, le nez maigre et pointu. Je l'ai gratifiée d'une horrible grimace et - tiens-toi bien - elle me l'a rendue ! Mon Dieu qu'elle était laide, et comme j'étais affectée quand je me suis aperçue que c'était moi.

 

page 114 : Les enfants, je te jure, quels boulets !

 

page 115 : Le silence, quelle arme, quel poison raffiné !

 

page 121 : Mettre une jolie table pour un de nos dîners en tête à tête. Et rester debout à t'attendre, bercée par la mélopée issue du ventre des cuisines, ce chant éternellement repris par les femmes, qui lavent, qui rangent, qui parfument, qui bercent le monde, qui l'ordonnent pour rendre accueillant ce qui ne l'était pas et qui veillent depuis la nuit des temps sur les horizons incertains, espérant le retour des hommes, le regard des hommes, le sourire des hommes, et la joie qu'ils dissimulent pour elles dans leurs mains si rudes.

 

page 124 : Voilà, ainsi va la vie, on se tourne vers le passé, on se projette dans l'avenir, impuissants à savourer le moment présent.

 

page 127 : Et le moment venu, les regrets et les remords se confondent en une seule leçon - j'ai trop lutté, pas assez profité.

 

pages 138-139 : Elle a cette manie, commune aujourd'hui, de tout ramener à elle avec des mots à la mords-moi-le-psychiatre. Elle s'achète des livres et des magazines qui ne traitent que de ça : les relations mère-fille, devenir soi-même (comme si on pouvait devenir quelqu'un d'autre !), vivre en accord avec son passé... et un tas d'autres ingrédients pour monter la mayonnaise du bonheur. Autrefois, c'est le démon qu'on accusait de possession, je ne constate pas une grande différence, le nom a changé, les accusations restent les mêmes. Les prophètes du dimanche ont encore de beaux jours devant eux, les foules se précipitent à l'encan des balivernes : Qui veut une réponse, j'en vends trois pour le prix d'une ! Belle avancée en vérité.

 

page 184 : - Essayer n'est qu'une manière bruyante de ne rien faire. C'est réussir qu'il faut viser.

 

page 193 : C'est le genre de réveillon où une corde pourrait remplacer le sapin.

 

page 194 : ...en scrutant les vitrines, je me disais que la vraie pauvreté c'est de n'avoir personne à qui offrir.

 

page 201 (il parle d'un médecin) : J'ai passé ces dernières semaines à capituler devant lui comme s'il était le maître de la pluie et du beau temps. Alors qu'il n'en est rien. Il suffit de prendre le même ton professoral, d'apprendre sa leçon -céphalée pour migraine, flatulences pour pets -, et le mythe s'écroule. Ramassis de bouses blanches !

 

page 204 : La folie, c'est peut-être la seule réponse que certains ont trouvée à la grande douleur de vivre.

 

page 209 : Voilà Zika, tout ce que je peux dire à ce jour. Que pour avancer, on met un pied devant l'autre et pas davantage.

 

***

Le Vase où meurt cette verveine, Frédérique Martin, 2012, 221 pages

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Commentaires
F
C'est noté. Merci.
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P
Je ai déjà noté ce titre dans ma grande liste, tu confirmes mon envie de dévorer cette histoire.
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F
Merci pour votre billet Plouf, et pour votre lecture. Il m’intéresserait de savoir de quelle(s) faute(s) d'accord et oubli(s) vous parlez,(notamment page 113?) car il y a eu au moins trois correcteurs professionnels sur ce roman et en cas de réédition, nous pourrions faire corriger ce qui doit l'être.
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M
Ta description, les extraits me donnent envie de le lire. Je le note sur ma liste. Merci pour ce billet bien fouillé ! Bon dimanche<br /> <br /> Bises
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