Ce que je sais de Vera Candida, de Véronique Ovaldé
Sur l'île de Vatapuna, Vera Candida est la petite-fille de Rose Bustamente, avant tout. Elle est aussi la fille de Violette. L'histoire familiale de cette lignée de femmes semble se répéter, cruelle et rude, et Vera Candida sera celle qui décidera de rompre la fatalité obscène, et y arrivera. Elle reviendra cependant à Vatapuna, plus tard. Et c'est par là que commence le livre, avant de nous raconter l'histoire de Vera Candida après son départ, quand elle s'est rendu compte, à 15 ans, qu'elle était enceinte, qui plus est dans des conditions sordides qu'on ne fera que soupçonner jusqu'aux dernières pages.
La vie de Vera Candida peut sembler banale dans ce petit coin de monde imaginaire, mais le style magistral de Véronique Ovaldé, d'une simplicité trompeuse et soigneusement pourléchée, la rend exemplaire d'humanité, de force, de courage. Est-ce un hymne à la femme éternelle ? C'est bien possible, indirectement, tant ce livre recèle de recoins et de détours discrètement ou moins discrètement amenés. On est invités à réfléchir sur ce qui fonde l'amour, sur le véritable visage de l'après-fascisme, et sur bien d'autres choses, parfois ça enfonce des portes ouvertes, parfois pas. Mais d'un bout à l'autre, même si on traverse une longueur au milieu du livre, la vie de Vera Candida semble vraie, crédible, et on a l'impression, dans ce récit structuré à l'extrême dans une grande fluidité, qu'une femme pleine d'humanité et un peu omnisciente nous raconte l'histoire d'une autre.
Un livre qui se lit donc comme une tranche de biographie, d'une vie pour nous assez exotique et atypique, mais qui nous parle de l'histoire éternelle de la femme-mère aimante sans façons, déterminée et volontaire...
Quelques extraits... Pas simples à dénicher, tant le style est concis et simple mais va toujours à l'essentiel, mine de rien... IL y aurait des extraits à prendre à chaque page ou presque.
page 73 : Ces cicatrices-là, mon sucre, sont des étendards, disait grand-mère Rose. Au fond c'est un avantage, toutes ces coupures bien visibles. Quand le mal qui t'est fait est seulement à l'intérieur (mais sache, ma princesse, qu'il peut être aussi taraudant et violent que des coups de poing), alors ne pas perdre de vue ta colère et ta juste rage demande un bien plus gros effort.
page 139 (à propos de l'asile offert facilement aux anciens fascistes) : A Lahomeria on avait officiellement droit à la rédemption.
Et la Capa veillait sur votre rédemption. Avec des mitraillettes UZI et des voitures blindées.
page 237 : [...] comment pouvait-il se dérouler des évènements dans son corps dont elle ne savait rien, c'était comme de transporter dans son sac à main un reptile ou d'ouvrir l'une des chambres de sa maison et d'y découvrir un invité clandestin, installé dans un lit avec toutes ses affaires éparpillées autour de lui, cela ferait des mois ou même des années qu'il logerait là, dans un coin de votre chez-vous, et vous vous apercevriez qu'il a déjà organisé de nombreuses fêtes et des choses qui vous dégoûtent avec des gens qui vous dégoûtent, et une petite voix suffisante et illusoirement raisonnable vous répèterait, Ce n'est pas possible, tu l'aurais su.
page 241 : Un jour au cours des dix-huit années qu'ils passèrent ensemble, Itxaga et elle parlèrent de ce qu'ils feraient s'il apprenaient qu'ils étaient atteints d'une maladie mortelle. [...] Puis il avait dû se demander si elle accepterait de rester auprès de lui s'il était atteint d'une saloperie mortelle. C'était ça la question importante : que feras-tu quand je serai à quelques mois de la mort ?
page 243 (alors là, je trouve cette analyse faussement simple de l'attachement filial carrément stupéfiante et criante de vérité !) : C'est très difficile, pensait Vera Candida, d'oublier que votre enfant est un organe siamois de l'un des vôtres, c'est très difficile de ne pas le considérer tout le temps comme un membre supplémentaire et parfait de votre propre corps.
page 287 : [...] et elle sait tout ce qu'elle a eu jusque-là à savoir et au moment où elle se rend compte qu'elle le sait elle n'a plus rien à savoir.
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Editions de l'Olivier, 293 pages