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Chez Plouf
8 juin 2010

Ce que je sais de Vera Candida, de Véronique Ovaldé

Slivre_2010_06_ovalde_ce_que_je_sais_de_vera_candidaur l'île de Vatapuna, Vera Candida est la petite-fille de Rose Bustamente, avant tout. Elle est aussi la fille de Violette. L'histoire familiale de cette lignée de femmes semble se répéter, cruelle et rude, et Vera Candida sera celle qui décidera de rompre la fatalité obscène, et y arrivera. Elle reviendra cependant à Vatapuna, plus tard. Et c'est par là que commence le livre, avant de nous raconter l'histoire de Vera Candida après son départ, quand elle s'est rendu compte, à 15 ans, qu'elle était enceinte, qui plus est dans des conditions sordides qu'on ne fera que soupçonner jusqu'aux dernières pages.

La vie de Vera Candida peut sembler banale dans ce petit coin de monde imaginaire, mais le style magistral de Véronique Ovaldé, d'une simplicité trompeuse et soigneusement pourléchée, la rend exemplaire d'humanité, de force, de courage. Est-ce un hymne à la femme éternelle ? C'est bien possible, indirectement, tant ce livre recèle de recoins et de détours discrètement ou moins discrètement amenés. On est invités à réfléchir sur ce qui fonde l'amour, sur le véritable visage de l'après-fascisme, et sur bien d'autres choses, parfois ça enfonce des portes ouvertes, parfois pas. Mais d'un bout à l'autre, même si on traverse une longueur au milieu du livre, la vie de Vera Candida semble vraie, crédible, et on a l'impression, dans ce récit structuré à l'extrême dans une grande fluidité, qu'une femme pleine d'humanité et un peu omnisciente nous raconte l'histoire d'une autre.

Un livre qui se lit donc comme une tranche de biographie, d'une vie pour nous assez exotique et atypique, mais qui nous parle de l'histoire éternelle de la femme-mère aimante sans façons, déterminée et volontaire...


Quelques extraits... Pas simples à dénicher, tant le style est concis et simple mais va toujours à l'essentiel, mine de rien... IL y aurait des extraits à prendre à chaque page ou presque.

page 73 : Ces cicatrices-là, mon sucre, sont des étendards, disait grand-mère Rose. Au fond c'est un avantage, toutes ces coupures bien visibles. Quand le mal qui t'est fait est seulement à l'intérieur (mais sache, ma princesse, qu'il peut être aussi taraudant et violent que des coups de poing), alors ne pas perdre de vue ta colère et ta juste rage demande un bien plus gros effort.

page 139 (à propos de l'asile offert facilement aux anciens fascistes) : A Lahomeria on avait officiellement droit à la rédemption.
Et la Capa veillait sur votre rédemption. Avec des mitraillettes UZI et des voitures blindées.

page 237 : [...] comment pouvait-il se dérouler des évènements dans son corps dont elle ne savait rien, c'était comme de transporter dans son sac à main un reptile ou d'ouvrir l'une des chambres de sa maison et d'y découvrir un invité clandestin, installé dans un lit avec toutes ses affaires éparpillées autour de lui, cela ferait des mois ou même des années qu'il logerait là, dans un coin de votre chez-vous, et vous vous apercevriez qu'il a déjà organisé de nombreuses fêtes et des choses qui vous dégoûtent avec des gens qui vous dégoûtent, et une petite voix suffisante et illusoirement raisonnable vous répèterait, Ce n'est pas possible, tu l'aurais su.

page 241 : Un jour au cours des dix-huit années qu'ils passèrent ensemble, Itxaga et elle parlèrent de ce qu'ils feraient s'il apprenaient qu'ils étaient atteints d'une maladie mortelle. [...] Puis il avait dû se demander si elle accepterait de rester auprès de lui s'il était atteint d'une saloperie mortelle. C'était ça la question importante : que feras-tu quand je serai à quelques mois de la mort ?

page 243 (alors là, je trouve cette analyse faussement simple de l'attachement filial carrément stupéfiante et criante de vérité !) : C'est très difficile, pensait Vera Candida, d'oublier que votre enfant est un organe siamois de l'un des vôtres, c'est très difficile de ne pas le considérer tout le temps comme un membre supplémentaire et parfait de votre propre corps.

page 287 : [...] et elle sait tout ce qu'elle a eu jusque-là à savoir et au moment où elle se rend compte qu'elle le sait elle n'a plus rien à savoir.

=^.^=


Editions de l'Olivier, 293 pages


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Commentaires
P
Merci pour les précisions sur le jury de Elle et pour les titres de livres, je note =^.^=<br /> <br /> Concernant Martin Winckler, plusieurs choses m'ont agacée, du style maniéré (qui n'imite pas assez bien la fluidité à mon goût) qui finit par être lourdaud à la psychologisation condescendante systématique. On sent l'ego gonflé à bloc là-dedans, je n'aime pas ça. Bref, en fait, pas grand chose ne m'a plu...<br /> <br /> Quant aux citations que j'ai choisies, ben on ne peut pas tous avoir les mêmes goûts :) J'aime bien celle de la page 243 parce que je trouve que c'est vraiment la formulation d'une impression diffuse violente, animale, instinctive, qui existe dans l'attachement filial humain (et pas seulement dans l'enfantement "naturel", je crois que ça existe aussi avec la même force dans le sentiment maternel après une adoption, par exemple). Et j'ai bien aimé la concision de la métaphore pour quelque chose d'aussi complexe. Mais bon, elle précise bien que c'est ce que pensait Vera Candida, pas forcément elle =^.^=<br /> Page 241, ben ce passage m'a émue, frappée de plein fouet, alors je voulais en garder une trace, début et fin. Mais bon, mon mètre-étalon à moi n'est pas Yourcenar (en fait, j'ai quelques auteurs fétiches mais pas de maître-étalon, je n'aime pas beaucoup comparer dans le fond), qui est un maître à n'en pas douter, mais qui m'ennuie. ;-)
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E
Pour Veronique Ovaldé, l'exemple que tu donnes p 243 me fait dresser les cheveux sur la tête! P 241 pourquoi pas, bon, ce n'est pas Marguerite Yourcenra (c'est mon mètre-maître étalon), mais ça me choque moins. <br /> Et pourtant, comme je te l'ai dit, j'ai bien aimé "Déloger l'animal" et "Toutes choses scintillant", j'y avais trouvé une petite musique qui me plaisait.
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E
Pour Veronique Ovaldé, l'exemple que tu donnes p 243 me fait dresser les cheveux sur la tête! P 241 pourquoi pas, bon, ce n'est pas Marguerite Yourcenra (c'est mon mètre-maître étalon), mais ça me choque moins. <br /> Et pourtant, comme je te l'ai dit, j'ai bien aimé "Déloger l'animal" et "Toutes choses scintillant", j'y avais trouvé une petite musique qui me plaisait.
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E
Alors, Sabine, deux choses donc:<br /> - le prix des lectrices de ELLE est ouvert à toutes les femmes,lectrices, en avril-mai de chaque année.Soit on achète le magazine avec la demande pour être jurée, soit on peut le faire par internet. Moi j'ai été prise l'an passé, comme 119 autres personnes (le prix est attribué par 120 lectrices, c'est pas mal tout de même...). J'ai reçu chaque mois, entre septembre et avril 3 livres à lire, un roman, un policier, un document. C'est vraiment sympa de recevoir des livres comme ça, c'est la surprise! Après, il faut jouer le jeu, donc les lire et leur mettre une note et faire un commentaire. <br /> Personnellement, deux livres m'ont beaucoup marquée parmi ceux reçus, qui n'ont eu aucun prix : "L'année brouillard" de Michelle Richmond. Un suspense qui m'a beaucoup touchée, et une vraie qualité d'écriture. Et "Les Visages" de Jesse Kellerman, un policier unique, je n'en avais jamais lu un comme ça. <br /> Et bien sûr le livre de Martin Winckler "Le Choeur des Femmes", qui était sélectionné, n'a pas eu le prix...<br /> - un énervement à propos de "La Maladie de Sachs"? Pourquoi, qu'est-ce que ça touche chez toi? Qu'est-ce que tu n'aimes pas, si tu arrives à l'exprimer? <br /> -
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P
@ Feefils : c'est l'intérêt d'être un rat de bibliothèque, outre de n'être pas ruinée (vu mon rythme de lecture, sinon argh), et surtout on n'attend pas (euh... mais des fois on oublie quand même en fait ! lol) !! =^.^=<br /> <br /> @ Flo : c'est justement en lisant ton avis que j'ai eu envie de le lire ;-) Pour moi, ça n'est pas un coup de coeur =^.^=<br /> <br /> @ Dorémi : depuis le temps que tu m'en parles, je n'ai pourtant toujours pas ouvert Cent ans de solitude ! Faudra que j'y pense...<br /> <br /> @ Zazimuth : difficile à dire... Tu me l'aurais demandé au milieu, quand j'ai bien failli laisser tomber, je t'aurais dit "non pas des masses", mais après être allée au bout, la seconde moitié étant plus captivante, je dirais "oui, plutôt" sans non plus être dithyrambique. En revanche, j'ai apprécié la simplicité étudiée du style, même si je n'aime pas la mode actuelle des dialogues qui se fondent dans le texte (j'aime les limites claires, en ça comme ailleurs), qui confère une impression de froideur distanciée très particulière à ce récit pourtant très "chaud".<br /> <br /> @ Emma : ah oui, je comprends pourquoi on peut le trouver "facile". Le fait que tu dis que tu as en revanche apprécié les livres précédents de cette auteure me titille, tiens, j'irai peut-être voir ce que je trouve d'autre... Et je retiens toujours le dernier Winckler aussi (quand j'aurai encaissé mon ennui-énervement face à La Maladie de Sachs...).
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